Au pays du Soleil-Levant, une pratique ancestrale née dans les montagnes de Kitayama perdure.


Plus de 2 000 arbres disparaissent chaque minute dans le monde… Selon la FAO, près de 4 milliards de mètres cubes de bois sont récoltés annuellement pour satisfaire nos besoins à l’échelle mondiale. Si le bois est un matériau écologique de choix, sa production est bien souvent peu durable. Pourtant, au pays du Soleil-Levant, une pratique ancestrale née dans les montagnes de Kitayama, perdure. Une technique de sylviculture centenaire qui prend le parti de ne jamais abattre un arbre entièrement.



Le daisugi (台杉), qui signifie littéralement « plateforme de cèdre », est à l’origine une technique de coupe apparue au 14ème siècle dans les montagnes de Kitayama (les « montagnes du Nord »), non loin de Kyoto. À cette époque, la période Muromachi, le peuple japonais était adepte du sukiya zukuri, un style architectural prônant l’utilisation de matériaux naturels pour la construction et la décoration d’habitations, de maisons de thé, de restaurants ou encore d’auberges.

Utilisés à grande échelle, le semis et les matières premières, principalement le bois de cèdre, vinrent rapidement à manquer. Les arboriculteurs de l’époque durent alors innover et trouver de nouvelles méthodes pour éviter la déforestation, faire perdurer la production tout en composant avec une topographie peu propice à la plantation et la sylviculture (70 % du territoire japonais étant montagneux). C’est ainsi qu’est né le daisugi.

Les montagnes de Kitayama, entourées de plusieurs districts tels que Nakagawa, Ono et Kumogahata, sont le berceau de cette méthode de sylviculture depuis maintenant des siècles. C’est cependant le village de Nakagawa, situé dans le district du même nom à 20 kilomètres de Kyoto, qui est désormais considéré comme le cœur de l’industrie forestière de la région. Un lieu aujourd'hui aussi connu sous le nom de « Sugi no Sato », ou « Village des Cèdres ».

Crédit : Mesubim

Un entrepôt de traitement du bois de cèdre appartenant à la Kyoto Kitayama Maruta Production Corporative Society.

L'art de l'élagage, véritable hymne à la verticalité

Cette technique, très similaire à l’élagage réalisé sur les bonsaïs de petite ou moyenne taille, consiste à ne conserver que les tiges verticales et à faire ainsi grandir des troncs parfaitement ronds et droits (appelés taruki) sur la souche d’un cèdre. Les arboriculteurs, ou niwashi, élaguent les pousses tous les trois ou quatre ans afin de garder le bois d'une rectitude absolue et sans aucun défaut, laissant les feuilles de cèdre uniquement au sommet de l’arbre. 

Dessinant un paysage presque surréel, il est possible de trouver simultanément jusqu'à plus d'une dizaine de « troncs » sur un même arbre. Ces troncs pourront enfin être coupés au bout de 20 ans et utilisés à la fabrication de certaines parties de bâtiments traditionnels, d’objets de décoration… et mêmes de baguettes ! L’idée ? Ne prélever que la quantité de bois nécessaire sans abattre l’arbre en entier. Puis d'autres pousses viendront et le cycle pourra être répété pendant plus de trois siècles sur un même arbre. 

De quelques souches s’élancent ces multiples troncs, formant une forêt tout en verticalité.

Les avantages de cette méthode de sylviculture sont nombreux et profitent aussi bien à l’Homme qu'à la nature elle-même ! 

Une production de bois supérieure et durable 

La technique du daisugi, ainsi que la nature robuste des cèdres, permet d’obtenir de nouvelles pousses pendant plus de 300 ans sur un seul et même arbre. Cela signifie que contrairement à nos techniques habituelles, les arbres n’ont pas à être coupés pour la production. De plus, le bois récolté est de qualité supérieure à celle du tronc sur lequel il pousse : selon les spécialistes, il est en effet en moyenne 140 % plus flexible et 2 fois plus solide que du bois normal !

Une culture durable transmise de génération en génération 

Il faut en moyenne 20 ans aux forestiers pour pouvoir « recueillir » le fruit de leur labeur sur des arbres parfois pluricentenaires. Il n’est donc pas rare qu’ils héritent ce que leurs aieux ont planté et qu'à leur tour, ils s’occupent de semer ce que de plus jeunes récolteront. Cette pratique, qui s’étend sur plusieurs générations, permet d’éviter la déforestation dans la région de Kitayama et d’y préserver son écosystème.

Un gain de place pour un rendement plus important 

Vous l’aurez désormais compris, le daisugi permet de produire plus de bois à un seul et même endroit. Les forêts de cèdres de Kitayama sont certes moins étendues mais parviennent tout de même à produire plus.


Les avantages de cette méthode de sylviculture sont nombreux et profitent aussi bien à l’Homme qu'à la nature elle-même ! 

Une production de bois supérieure et durable 

La technique du daisugi, ainsi que la nature robuste des cèdres, permet d’obtenir de nouvelles pousses pendant plus de 300 ans sur un seul et même arbre. Cela signifie que contrairement à nos techniques habituelles, les arbres n’ont pas à être coupés pour la production. De plus, le bois récolté est de qualité supérieure à celle du tronc sur lequel il pousse : selon les spécialistes, il est en effet en moyenne 140 % plus flexible et 2 fois plus solide que du bois normal !

Une culture durable transmise de génération en génération 

Il faut en moyenne 20 ans aux forestiers pour pouvoir « recueillir » le fruit de leur labeur sur des arbres parfois pluricentenaires. Il n’est donc pas rare qu’ils héritent ce que leurs aieux ont planté et qu'à leur tour, ils s’occupent de semer ce que de plus jeunes récolteront. Cette pratique, qui s’étend sur plusieurs générations, permet d’éviter la déforestation dans la région de Kitayama et d’y préserver son écosystème.

Un gain de place pour un rendement plus important 

Vous l’aurez désormais compris, le daisugi permet de produire plus de bois à un seul et même endroit. Les forêts de cèdres de Kitayama sont certes moins étendues mais parviennent tout de même à produire plus.


Au village de Nakagawa, le siège de la Kyoto Kitayama Maruta Production Corporative Society s’est donné pour but de promouvoir l’art du daisugi et ses nombreux bénéfices au niveau national ainsi que de revitaliser l’industrie forestière de la région. La société a également mis en place plusieurs parcours éducatifs aussi bien à l’intention des touristes que des locaux : visite du musée du cèdre de Kitayama, ateliers créatifs, randonnées dans la montagne pour assister à la coupe du bois…

Crédit : Kyoto Kitayama Maruta

Le reflet d’une philosophie éminemment respectueuse de la nature

Bien qu'étant à l’origine une technique de gestion forestière, l’esthétique si particulière du daisugi fascine et il est ainsi possible d’en contempler également dans les jardins ornementaux nippons. Car avant tout, au pays du Soleil-Levant, l’arbre est respecté.

« Pour les bouddhistes zen, les écritures sont inscrites dans le paysage », écrit le Dr. Qing Li dans son ouvrage Forest Bathing, How Trees Can Help You Find Health and Happiness. « Dans la religion shinto, les esprits ne sont pas séparés de la nature, ils en font partie. Ils sont dans les arbres, dans les rochers, dans la brise, les ruisseaux, les cascades… ». La nature est, dans la tradition japonaise, une valeur suprême, inhérente à la vie des êtres humains.

Les nombreux bienfaits de l’arbre se traduisent encore aujourd’hui à travers le Shinrin Yoku. Littéralement « bain de forêt », il s’agit d’une forme de thérapie, désormais bien connue, consistant à « se baigner dans l’atmosphère d’une forêt par nos sens ». Introduite par le gouvernement japonais au début des années 1980 pour faire face aux niveaux de stress élevés au sein de la population, ce traitement par la nature a depuis été adopté dans de nombreux pays à travers le monde. Les raisons ?

Il a été prouvé que passer du temps dans la nature aide à améliorer ses fonctions immunitaires. En effet, respirer les divers composés ou « huiles » émises par les arbres (phytoncides, terpénoïdes, pinènes, bornéol, linalol, limonènes ou autres principes actifs naturels) peut aussi bien apporter une guérison émotionnelle que diminuer la pression sanguine, le stress et l’anxiété. Avec l’arrivée des beaux jours, pourquoi ne pas s’y essayer ?