Photo : ©TERRE VERTE - www.eauterreverdure.org / Champs bocagers à Guiè au Burkina Faso

Aujourd’hui, certaines terres agricoles du Burkina Faso jusqu’alors desséchées et impropres à l’exploitation, reprennent vie. Leurs rendements sont à la hauteur, les paysans qui les exploitent retrouvent un mode de vie décent et la biodiversité qu’elles abritaient autrefois prospère de nouveau peu à peu… À l’origine de ces bienfaits conjugués: la mise en place de bocages dans le paysage sahélien. Décryptage. 



Une réponse à des conditions adverses

Le Burkina Faso fait face à une désertification galopante. Selon la FAO, un tiers du territoire national, à savoir plus de 9 millions d’hectares, est dégradé. Ses sols s’appauvrissent en raison de périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes, combinées au déboisement, au ravinement et au surpâturage. Des phénomènes qui, ajoutés aux feux de brousse et à la culture sur brûlis, affectent lourdement la biodiversité. 

En soixante ans, les rendements agricoles ont chuté de moitié. Une voie salvatrice a cependant émergé il y a une trentaine d’année : les bocages, wégoubri en langue mooré. Ils consistent en un ensemble de champs ou de prairies entourés par des haies qui forment un maillage continu dans le paysage, avec des alignements de grands arbres dans l’axe des parcelles. La richesse de cette méthode réside dans sa grande complétude car cultures, arbres et élevages y sont associés.


Crédit : NASA

Feux de brousse et culture sur brûlis affectent lourdement la biodiversité du Sahel

Redessiner l’espace rural  

Pour lutter contre la sécheresse des sols et la dégradation de la biodiversité au Burkina Faso, des paysans de onze villages décident en 1989 de former une association. Son objectif : expérimenter de nouvelles méthodes d’agriculture plus respectueuses de l’environnement à travers les bocages. Ce projet vise à fertiliser les sols en limitant le ruissellement de l’eau mais aussi à préserver la biodiversité et à lutter contre le surpâturage et contre les feux de brousse. Accompagnés par l’ONG Terre Verte, les paysans décident de combiner quatre éléments: l’aménagement de bocages, de retenues d’eau, de jardins pluviaux et de routes boisées.  L’objectif : « redessiner l’espace rural » pour « créer un nouveau paysage plus agréable et assurer une production plus importante et diversifiée ».

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Pâturage rationnel à Guiè au Burkina Faso

La première ferme pilote voit le jour en 1990 à Guiè. Son principe est de coordonner les paysans locaux en les accompagnant dans la mise en place de périmètres bocagers. Aujourd’hui au nombre de cinq, les fermes pilotes sont la cheville ouvrière de la mise en œuvre des bocages. Propriété d’associations inter-villages, elles sont appuyées financièrement, matériellement et techniquement par des ONG et par des institutions regroupées autour de Terre Verte. Le travail au sein des fermes est réparti en cinq sections : la pépinière, l’encadrement technique de l’agriculture et de l’élevage, l’équipement agricole, la cellule d’aménagement foncier et enfin l’entretien du bocage. 

Pour créer un nouveau périmètre bocager, les paysans doivent se mettre d’accord sur une terre puis faire appel à une ferme pilote pour évaluer la faisabilité du projet et pour réaliser les mesures afin de remembrer le terrain. Les paysans et la ferme pilote recourent à une technique dite HIMO - à haute intensité de main d’œuvre - pour les travaux d’aménagement. Les paysans se voient finalement attribuer un lot de 2,56 hectares divisés en quatre champs.

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Retenir l’eau : une priorité

Le manque de rétention d’eau au Sahel met les sols et les cultures en péril. Il ne pleut que cinq mois par an mais les pluies peuvent être diluviennes. Elles ravinent le sol, c’est-à-dire qu’elles ruissellent en y formant des sillons, sans le pénétrer. Pour limiter ce phénomène, les paysans recourent à diverses techniques. 

Les diguettes en terre, d’abord, permettent de garder l’eau dans les champs et de la transporter dans les bassins de réserve. Aussi, les mares récoltent le surplus d’eau de pluie qui infiltre ensuite peu à peu les nappes phréatiques. Enfin, les haies vives permettent de replanter des arbres, d’accueillir la faune, de retenir l’humidité et facilitent l’infiltration de l’eau, luttant contre l’action érosive des eaux de la mousson. Elles agissent aussi comme brise-vents dans une région où ceux-ci sont parfois très violents lors des épisodes pluviométriques. 

Les paysans mettent aussi en place des jachères pâturées afin de ne pas assécher les terres. Ils recourent également à la technique traditionnelle du zaï qui consiste à creuser un trou dans le sol avant d’y semer une graine. La cuvette formée autour du plant permet ainsi de garder l’humidité et de lui fournir de l’eau en l’absence de pluie.  Les sols sont ensuite nourris et maintenus humides grâce à des tiges de mil, aux excréments d’animaux, aux feuilles ou encore au fumier.

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Sarclage localisé sur Zaï à Guiè au Burkina Faso

Des rendements remarquables

En trente ans d’existence, les bocages ont grandement prospéré au Burkina Faso. 2155 hectares de terres arides sont devenus des sols fertiles alors qu’ils semblaient condamnés. Les ressources tirées de ces parcelles de production sont aujourd’hui suffisamment riches pour préserver des disettes les familles qui les exploitent et pour les alimenter en bois de chauffe et en paille.

Photo : ©TERRE VERTE - www.eauterreverdure.org

Une étude sur les bocages au Sahel, menée conjointement entre 2019 et 2022 par le Groupe de recherches et d'échanges technologiques (GRET), l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’Association La Trame, montre que leurs rendements sont entre 20% à 70% supérieurs à ceux des terres d’exploitation classique. C’est également ce que constate la ferme pilote de Guiè dont la production de sorgho est deux à trois fois supérieure à celle des meilleurs agriculteurs de la région. 

Au sein du Burkina Faso, les bocages se développent et s’implantent d’autant mieux qu’ils s’accompagnent de changements structurels. Ainsi, le ministère de l’agriculture se positionne en faveur de ce modèle et une école du bocage a été créée en 2008. Une voie d’avenir donc.

La ferme expérimentale de Guiè 

Située à 60km au nord de Ouagadougou, la ferme pilote de Guiè est portée par l’association inter-villageoise AZN. Véritable laboratoire à ciel ouvert, elle y associe de multiples techniques complémentaires afin de régénérer les sols. 

Depuis sa création, des centaines de milliers d’arbres y ont été plantés et semés. Diguettes, mares et haies vives visent le maintien de l’humidité des substrats. La technique du zaï est combinée à l’utilisation de compost pour stimuler la pousse des plantes. Aussi, la rotation des cultures et la jachère ont été mises en place pour éviter l’épuisement des sols et l’invasion de parasites. 

En outre, tout est pensé pour favoriser la complémentarité entre élevage et culture. Les troupeaux du bocage sont toujours encadrés par un berger et broutent dans des endroits limités par une clôture électrique solaire pour préserver les jeunes arbres et éviter qu’ils ne piétinent trop d’espace. Le fumier du bétail est récupéré pour le compost, et le fourrage est stocké pour les nourrir toute l’année. Une approche permettant aux familles de sortir de la famine, grâce à des rendements en niébé, bissap et sésame nettement augmentés.

La ferme expérimentale de Guiè 

Située à 60km au nord de Ouagadougou, la ferme pilote de Guiè est portée par l’association inter-villageoise AZN. Véritable laboratoire à ciel ouvert, elle y associe de multiples techniques complémentaires afin de régénérer les sols. 

Depuis sa création, des centaines de milliers d’arbres y ont été plantés et semés. Diguettes, mares et haies vives visent le maintien de l’humidité des substrats. La technique du zaï est combinée à l’utilisation de compost pour stimuler la pousse des plantes. Aussi, la rotation des cultures et la jachère ont été mises en place pour éviter l’épuisement des sols et l’invasion de parasites. 

En outre, tout est pensé pour favoriser la complémentarité entre élevage et culture. Les troupeaux du bocage sont toujours encadrés par un berger et broutent dans des endroits limités par une clôture électrique solaire pour préserver les jeunes arbres et éviter qu’ils ne piétinent trop d’espace. Le fumier du bétail est récupéré pour le compost, et le fourrage est stocké pour les nourrir toute l’année. Une approche permettant aux familles de sortir de la famine, grâce à des rendements en niébé, bissap et sésame nettement augmentés.