Photo : Pauline Gil

Aujourd’hui reconnue en tant qu’intermittente du spectacle, Pauline Gil est embauchée sur des projets de films ou de séries pour être référente ou chargée en écoproduction. Cette technicienne de formation « s’est formée sur le tas » et occupe désormais un poste qui devrait prendre de l’ampleur face à l’urgence climatique ! 


INTERVIEW

Sustainability MAG : Peut-on dire que vous êtes une des premières écoréférentes en production ? 

Pauline Gil : On peut dire cela en effet ! Quand j’ai fait mes débuts en 2018 il existait déjà des premiers films en écoproduction mais personne n’était employé pour s’occuper uniquement de cet aspect. Or pour moi, c’est aujourd’hui le cas, c’est mon métier. Il existe des prestataires qui font le même type de travail, mais c’est externalisé alors que je suis pour ma part embauchée vraiment au sein de l’équipe de tournage. 

À quoi ressemble une journée de travail pour vous ? 

Il faut savoir que la plupart de mon intervention se situe en amont. C’est le propre de la production ! Je sensibilise les gens avant le tournage, je recherche des partenaires et des parties prenantes qui vont également intégrer la démarche engagée du film. Puis, sur le tournage, je vérifie que tout soit respecté et correctement appliqué. Je suis là pour assister les techniciens parce que cette démarche implique parfois une charge supplémentaire pour eux. Aussi, tout au long du projet, il y a de nombreuses questions de la part des nouveaux arrivants, que ce soit du côté comédien ou de la technique ; ce sont autant de personnes qu’il faut embarquer dans la démarche ! Et enfin, quand on tourne, j’ai du travail de planification pour les semaines qui arrivent. Donc je suis toujours très occupée !   

Et après le tournage ?  

J’effectue tout un travail de reporting et de données pour mon bilan. Au terme de chaque projet, je produis un rapport dans lequel je consigne des chiffres, des observations, des conseils pour des changements d’habitude... J’explique ce que nous avons entrepris, ce qui a fonctionné ou moins, quel a été notre impact. Généralement, j’adresse aussi un questionnaire aux équipes afin de savoir ce qu’elles ont pensé et retenu de la démarche. 

Au final, c’est un poste qui pousse à toujours essayer de trouver des solutions nouvelles ! Parfois, elles existent mais dans d’autres domaines, dans d’autres industries, et il convient de les transposer. C’est pour cette raison notamment qu’il est important qu’une personne soit dédiée à cette démarche. Cela suppose de passer par des filons auxquels nous ne sommes pas habitués dans l’industrie cinématographique.   

Source : Synthèse Ecoprod

1 600 litres d'eau ont été économisés grâce au recyclage des cheveux lors du tournage de Germinal

Est-ce le constat d’une industrie cinématographique particulièrement en retard sur la question environnementale qui vous a conduit à exercer ce métier ? 

Exactement ! Cela fait quelques années que je suis assez militante, que j’introduis beaucoup de changements dans ma vie personnelle, que ce soit au niveau de ma façon de consommer ou de vivre. Alors quand j’ai commencé à travailler et à voir la réalité des plateaux de tournage, j’ai été vraiment déçue. C’est un milieu assez idéalisé. Lorsque j’ai réalisé que l’aspect du développement durable n’était pas du tout pris en compte, j’ai remis en question le fait de continuer à travailler dans cette industrie. Puis, je me suis dit que je ne devais pas être seule à constater qu’il y avait un souci de taille dans ce secteur et c’est ainsi que j’ai rejoint Ecoprod, une association qui agit pour des productions audiovisuelles et cinématographiques respectueuses de l'environnement.  

Existe-t-il pour vous des initiatives dans l’écoproduction qui sont plus prioritaires que d’autres pour aller vers un cinéma écolo ? 

Ouvrir de plus en plus de lieux de stocks, de recycleries, pourrait être une très bonne solution pour éviter de jeter les décors et les matériaux et encourager à la réutilisation. Il y en a une qui s’est montée en France, à Bagnolet, il n’y a pas longtemps et elle remporte un grand succès ! Généraliser cette approche serait vraiment bienvenu. Ce type d’initiatives peuvent être assez facilement mises en place et avoir à mon sens des répercussions bénéfiques rapides.  

Cependant, le plus gros problème reste le transport. C’est un des facteurs les plus polluants des tournages parce que les équipes se déplacent avec des poids-lourds. C’est donc un enjeu prioritaire à traiter.   

Avez-vous un projet que vous avez accompagné et qui vous a particulièrement marqué ?  

J’ai deux tournages qui me viennent en tête. L’Effondrement, tout d’abord. Cette série Canal+ sortie en 2019 m’a marquée parce que toute l’équipe était extrêmement motivée par la démarche. C’était une équipe jeune, sensibilisée aux questions de développement durable. Tout le monde était ravi de jouer le jeu. L’Effondrement a été la première série à baser sa communication sur le fait qu’elle était produite en écoproduction. Elle a eu un effet d’entraînement : à partir de ce moment-là, de plus en plus de monde s’est intéressé à cette approche. Cela fait depuis deux-trois ans qu’il y a de réelles avancées et des changements tangibles.  

Je pense aussi à la série Germinal, sortie sur France Télévisions. Elle a été au contraire un vrai challenge parce que le directeur de production qui m’avait recrutée venait lui-même d’intégrer le projet quelques mois seulement avant le tournage. Cela a été difficile car il a fallu agir avec un temps de préparation extrêmement restreint, alors que l’écoproduction, vous l’avez compris, ce n’est pratiquement que de la planification et de l’anticipation ! Mais à ma grande surprise, nous avons quand même réussi à mettre beaucoup de bonnes pratiques en place et notre action a été d’un fort impact.  

Actions mises en place pour le tournage de Germinal 

La production d’un film comme Germinal, c’est en chiffres :  

8739 repas, 652 000 km parcourus, 5 000 mégots de cigarettes, 25 kg de piles, 8 kg de cheveux coupés, et… spécificité de ce film, 22 tonnes de charbon importées de Pologne pour les décors. Une série de mesures a été mise en place pour limiter ces impacts.  

Catering :  

- Rédaction d’un cahier des charges de la cantine : achats de produits locaux, bio et de saison 

- Mise en place d’un repas végétarien par semaine 

- Récupération des bio-déchets via des associations locales 

- Mise en place de fontaines à eau 

Régie : 

- Achat de gourdes et de mugs pour les techniciens et les comédiens principaux 

- Achat de cendriers de poche et d’un sceau Greenminded pour le recyclage des mégots de cigarette 

- Fournisseur de boissons consignées en verre  

- Mise en place d’une signalétique de tri 

- Toilettes sèches pour décors en extérieur  

- Partenariat pour des masques réutilisables  

Maquillage : 

- Recyclage des cheveux  

- Démaquillage avec des serviettes réutilisables   

Décors : 

- Stockage, dons, et réutilisation des décors construits pour le tournage 

Recyclage : 

- Piles, cartouches d’encre, batteries de camion et ampoules 


Actions mises en place pour le tournage de Germinal 

La production d’un film comme Germinal, c’est en chiffres :  

8739 repas, 652 000 km parcourus, 5 000 mégots de cigarettes, 25 kg de piles, 8 kg de cheveux coupés, et… spécificité de ce film, 22 tonnes de charbon importées de Pologne pour les décors. Une série de mesures a été mise en place pour limiter ces impacts.  

Catering :  

- Rédaction d’un cahier des charges de la cantine : achats de produits locaux, bio et de saison 

- Mise en place d’un repas végétarien par semaine 

- Récupération des bio-déchets via des associations locales 

- Mise en place de fontaines à eau 

Régie : 

- Achat de gourdes et de mugs pour les techniciens et les comédiens principaux 

- Achat de cendriers de poche et d’un sceau Greenminded pour le recyclage des mégots de cigarette 

- Fournisseur de boissons consignées en verre  

- Mise en place d’une signalétique de tri 

- Toilettes sèches pour décors en extérieur  

- Partenariat pour des masques réutilisables  

Maquillage : 

- Recyclage des cheveux  

- Démaquillage avec des serviettes réutilisables   

Décors : 

- Stockage, dons, et réutilisation des décors construits pour le tournage 

Recyclage : 

- Piles, cartouches d’encre, batteries de camion et ampoules