Les plateformes de streaming ne peuvent pas vraiment se plaindre au vu des difficultés que le secteur du commerce a pu rencontrer face à la pandémie de Covid-19. La crise sanitaire a dopé la consommation de vidéos en ligne. Les consommateurs auraient visionné notamment depuis leurs mobiles 240 milliards d’heures de vidéo en streaming au dernier trimestre 2020, contre 146 milliards au premier trimestre 2019, selon App Annie, une plateforme réputée pour ses données précises sur le marché du mobile.  

Or cette augmentation drastique est incompatible avec l’urgence climatique. La diffusion numérique semble peut-être dématérialisée mais elle n’est pourtant pas immatérielle. Centres de données, terminaux, réseaux de diffusion… sont autant de technologies très énergivores. Ces émissions sont donc bel et bien tangibles et ont un réel impact sur l’état planétaire. 

Rien qu’à lui, Netflix a augmenté, en l’espace d’un an seulement, son nombre d’abonnés de 167 à 204 millions en 2020. Une des recettes de ce succès ? L’autoplay. Comparable à la pratique du scrolling sur les réseaux sociaux, l’autoplay cherche à pousser les spectateurs de vidéos en ligne à ne jamais s’arrêter. Une vidéo se termine, une autre est déjà en train de se charger. Quelques secondes après la fin d’un épisode d’une série télévisée, le spectateur a seulement quelques secondes pour décider d’annuler le lancement automatique du prochain épisode et visionner ainsi le générique. L’autoplay a ainsi pour but de supprimer les points de repères temporels de l’utilisateur en créant un flux de contenu ininterrompu. Pas étonnant que les soirées Netflix soient devenues une activité de premier choix dans les foyers !

Sur les réseaux sociaux, le "scrolling" permet le visionnage infini de photos ou vidéos. Un geste tellement compulsif qu’on parle aujourd’hui de "doomscrolling", un terme qui désigne cette frénésie du visionnage rapide.

Seulement le streaming ne se limite pas à une activité de fin de journée. Il est disponible dès qu’on le souhaite, où on le souhaite, à portée de clics. L’arrivée de la 5G et les technologies de plus en plus performantes ont rendu la consommation de films, séries et plus largement de vidéos exponentielle. 

Or, le streaming vidéo représente une part importante de la pollution numérique actuelle. Les usages de plus en plus importants des technologies numériques signifient aujourd’hui inévitablement des impacts croissants sur notre planète. Pour preuve, en 2018, le visionnage de vidéos en ligne a généré plus de 300 millions de tonnes CO2, soit un résultat comparable aux émissions annuelles de l’Espagne. La même année, le visionnage de vidéos pornographiques a généré autant d’émissions carbonées que le secteur résidentiel en France_

Ces chiffres semblent vertigineux mais l’arrêt du streaming vidéo est encore loin d’être à l’ordre du jour. La réduction de son usage pourrait en revanche l’être. C’est du moins ce qu’en pensent les chercheurs du Shift Project, ce think tank qui se présente comme travaillant « en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone ». Dans son rapport, « Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne », l’organisation alerte sur cette consommation massive et croissante.  

Elle estime ainsi que le numérique émet aujourd’hui 4 % des gaz à effet de serre mondiaux. Ce chiffre pourrait doubler d’ici 2025, à savoir atteindre 8 %, ce qui serait équivalent à la part actuelle de l’émission globale des véhicules légers. L’approche que propose the Shift Project permettrait de ramener l’augmentation de l’impact du numérique à 1,5 % par an. Cette solution a un nom, c’est la sobriété numérique. 

Source : The Shift Project

Répartition des flux de données entre les différents usages du numérique et de la vidéo en ligne

La sobriété numérique ou l’art de consommer du streaming video plus responsablement 

Que dites-vous de cette nouvelle information sur le shampooing le plus cher du monde ? Peu utile ?  Alors que pensez-vous de cette dixième vidéo de militaires américains retrouvant leur chien après une si longue séparation ? Toujours aussi touchant ? Et ces dizaines, centaines, milliers de chatons, toujours aussi craquants ? A contrario, la sobriété numérique prendrait le parti-pris de donner aux consommateurs de streaming vidéo ce qu’ils souhaitent visionner, sans chercher à créer de nouveaux désirs de consommation insoupçonnés. Ainsi les chercheurs du Shift Project parlent de passer d’un numérique « instinctif à un numérique réfléchi ». Les consommateurs seraient poussés à adopter de nouveaux comportements, en accédant à du contenu moins important en volume mais plus adapté à leurs besoins. Fini l’autoplay ou le scrolling, terminés les flux de vidéos sans fin de chatons.  

Mais pour ce faire, la nécessité de réglementation est essentielle. Ceci sera possible dans le cas d’un dialogue entre les gouvernements, les organismes régulateurs, les acteurs industriels (plateformes de diffusion, producteurs de contenus), et la société civile. Cette proposition d’un nouveau modèle économique questionne et bouleverse des habitudes qui sont devenues profondément ancrées chez les consommateurs, et implique une nouvelle gestion collective des usages. Ainsi, comme le souligne ses auteurs, elle ne peut se passer d’un débat public. La prise de conscience de la part des grandes entreprises du secteur est aujourd’hui essentielle afin d’anticiper le mouvement. L’impulsion doit aussi venir du public. Réduire sa consommation de streaming, garder ses équipements numériques le plus longtemps possibles, regarder des vidéos en moins bonne définition... sont des petits engagements réalisables par tous et qui à grande échelle font une vraie différence. 


LE GÉANT DU STREAMING S’EST ENGAGÉ À RÉDUIRE SES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

Netflix a mis la barre haut en annonçant que d'ici à la fin de l'année 2022, il souhaitait atteindre des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles. Pour respecter ce nouvel engagement, l’entreprise a mis en place un programme nommé Net Zero + Nature. Un nouveau poste a même été créé afin de veiller à sa mise en application. Emma Stewart est donc la première « sustainability manager » de Netflix, poste qu'elle occupe depuis octobre 2020. Ce plan dessine l’ambition de la plateforme de streaming de réduire ses émissions conformément aux accords de Paris qui souhaitent limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. La compagnie parle notamment de s’éloigner des sources d'énergie fossiles, en utilisant de l’électricité 100 % renouvelable ou des biocarburants. Netflix s’engage également à participer à la conservation et la régénération des écosystèmes essentiels à l’élimination du CO2 dans l’atmosphère. 

À noter toutefois que le rapport ESG (Gouvernance environnementale et sociale) de la plateforme se concentre uniquement sur l’empreinte carbone de l’entreprise dans son activité de production, mais pas au-delà  ; un point assez critique quand on sait que l’impact du streaming du côté des consommateurs est tout aussi important. À voir si Netflix accepterait de revoir son modèle en se penchant sur les questions fondamentales de sobriété numérique, ce qui supposerait de mettre un terme aux stratégies de design addictif, qui poussent ses amateurs de films et séries à toujours regarder plus...  





LE GÉANT DU STREAMING S’EST ENGAGÉ À RÉDUIRE SES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE

Netflix a mis la barre haut en annonçant que d'ici à la fin de l'année 2022, il souhaitait atteindre des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles. Pour respecter ce nouvel engagement, l’entreprise a mis en place un programme nommé Net Zero + Nature. Un nouveau poste a même été créé afin de veiller à sa mise en application. Emma Stewart est donc la première « sustainability manager » de Netflix, poste qu'elle occupe depuis octobre 2020. Ce plan dessine l’ambition de la plateforme de streaming de réduire ses émissions conformément aux accords de Paris qui souhaitent limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. La compagnie parle notamment de s’éloigner des sources d'énergie fossiles, en utilisant de l’électricité 100 % renouvelable ou des biocarburants. Netflix s’engage également à participer à la conservation et la régénération des écosystèmes essentiels à l’élimination du CO2 dans l’atmosphère. 

À noter toutefois que le rapport ESG (Gouvernance environnementale et sociale) de la plateforme se concentre uniquement sur l’empreinte carbone de l’entreprise dans son activité de production, mais pas au-delà  ; un point assez critique quand on sait que l’impact du streaming du côté des consommateurs est tout aussi important. À voir si Netflix accepterait de revoir son modèle en se penchant sur les questions fondamentales de sobriété numérique, ce qui supposerait de mettre un terme aux stratégies de design addictif, qui poussent ses amateurs de films et séries à toujours regarder plus...  




CHIFFRES CLÉS
10 h

10 h de film haute définition, c'est davantage de données que l'intégralité des articles en anglais de Wikipédia en format texte.

27 %

les vidéos pornographiques constituent 27 % de tout le trafic vidéo en ligne dans le monde.

4 %

Le numérique représente aujourd'hui près de 4% des émissions carbone mondiales.

À lire aussi dans le dossier « Cinéma polluant : clap de fin ? »