Tribune de Romain Poulles


Le modèle économique linéaire « extraire, produire, consommer, jeter » a atteint ses limites. Il n’est plus soutenable en termes de disponibilité des ressources dans une société de consommation où des pays émergents tels que la Chine, l’Inde ou la Russie, détenteurs d’une grande partie des matières premières, tendent à accéder aux mêmes biens et services que les pays dits développés. Plus soutenable non plus en terme environnemental sur une planète où les ressources naturelles se raréfient et où les procédés d’extraction et de production dégradent durablement les sols, l’eau, l’air et la biodiversité.



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L’économie circulaire, modèle économique inspiré de l’écosystème naturel, peut être considéré comme une véritable opportunité économique, environnementale et sociale afin de préserver notre planète pour les générations futures.

Le modèle de l’« économie circulaire » (qui porte bien son nom) à impacts positifs est en rupture avec le développement durable tel que pratiqué encore en grande partie et qui limite son ambition à être moins mauvais, à réduire les impacts négatifs de la présence de l’Homme moderne sur terre, à réduire la consommation, à limiter notre empreinte. Mais être moins mauvais reste toujours mauvais ! Nous sommes tellement obnubilés par l’idée que la présence de l’Homme doit forcément avoir des impacts négatifs sur son environnement que nous n’arrivons plus à imaginer, à rechercher systématiquement, à créer des impacts positifs sur l’Homme et son bien-être, sur la nature et sur l’économie. C’est ce qu’ambitionne l’économie circulaire !

L’économie circulaire n’est pas un concept nouveau mais sa forme actuelle a pris de l’élan il y a à peine dix ans. Depuis 3 ans, le Luxembourg s’intéresse de près à la thématique. Les initiatives et projets pilotes en cours ont le potentiel à amener à très court terme notre pays sur le devant de la scène des pays moteurs et à devenir un modèle dans la transposition des principes de l’économie circulaire.

Les enjeux de cette transposition sont multiples :

Enjeux et défis économiques

La transition vers un modèle plus circulaire permet de réduire les quantités de ressources extraites pour produire des bien éco-conçus c’est-à-dire conçus avec moins de matières premières « vierges » et d’énergie et plus facilement réutilisables et cyclables (produits destinés pour plusieurs cycles d’utilisation). Chaque produit sera conçu pour être réparable, désassemblable, modulable…

Cette économie tend à réutiliser les « matières premières secondaires » issues du désassemblage et permet ainsi de sécuriser les flux et les coûts d’approvisionnements en matières. Les matières premières, une fois importées dans la région, restent acquises en grande partie aux entreprises locales. Elle permet également de créer de nouveaux marchés de réutilisation, de réparation, de recyclage, de désassemblage, de déconstruction et de refabrication. Par nature, tous ces métiers seront locaux ou régionaux.

Cette économie est caractérisée par des nouveaux modèles économiques comme l’économie de partage et l’économie de la fonctionnalité, afin de passer de la possession d’un produit au stade d’avoir accès à un produit.

« L’idée même de l’économie circulaire n’est pas d’éliminer les déchets mais la notion même de déchet »

Enjeux et défis environnementaux 

Un autre enjeu, conséquence directe de la mise en application de ce nouveau modèle, réside dans la préservation des ressources qui se raréfient. L’idée même de l’économie circulaire n’est pas d’éliminer les déchets mais la notion même de déchet. En pariant sur l’allongement de la durée de vie des biens et services et sur le développement du recyclage, l’économie circulaire permet d’extraire dans un premier temps moins de matières premières, de réutiliser les matières issues du recyclage, de se tourner vers une économie du service et non de possession matérielle et de repenser les modes de production en alliant sobriété énergétique et innovations technologiques. Notre empreinte écologique dépasse actuellement la capacité d’une planète et les perspectives pour 2050 évoquent l’utilisation de 2 planètes et demie pour satisfaire l’ensemble des besoins d’une population de 9 milliards d’individus.

La mise en application des principes de l’économie circulaire permettra de donner une véritable perspective à l’humanité tout en préservant notre environnement et in fine en créant des impacts positifs sur ce dernier.

Enjeux et défis sociaux 

À travers le développement de la réutilisation, l’émergence de l’économie de service, la réparation de biens de consommation et la recherche et le développement de nouvelles technologies et d’innovation, c’est tout un panel de métiers qui naissent ou se consolident grâce à la transition vers une économie plus circulaire. La majorité de ces métiers sont intrinsèquement liés géographiquement à la région dans laquelle ils sont pratiqués et permettent de relocaliser l’emploi à l’intérieur d’une économie mondialisée. Par le biais de l’écologie industrielle et territoriale, l’ensemble des acteurs qui composent le territoire réinventent leur mode d’échange et de collaboration afin de trouver des solutions pérennes de réduction de leur impact et de création de valeurs. La transition vers une économie circulaire est un véritable vecteur de lien social.

Et last but not least, la mise en pratique généralisée permettra certainement de réduire et, espérons-le, d’éliminer la pauvreté en privilégiant l’accès à la propriété pour la majorité des produits dont nous avons besoin dans notre quotidien. Chacun de nous est concerné et chacun de nous peut participer à cette révolution! Le premier pas consiste à se rendre compte que nous, nos associations, nos entreprises, nos bâtiments, et chaque activité humaine peuvent avoir un impact positif sur notre environnement, sur notre économie et aussi sur le bien-être de l’Homme.

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Romain Poulles - Fondateur et CEO de PROgroup sa

Acteur engagé de l’économie circulaire, Romain Poulles est à l’origine du projet immobilier SOLARWIND et de l’Ecoparc Windhof. Il préside aujourd’hui le Luxembourg Center for Circular Economy et le Cluster EcoInnovation. Il est également depuis 2016 membre du Conseil Supérieur du Développement Durable, expert auprès du Conseil supérieur de la Construction durable et membre du groupe stratégique interministériel pour l’économie circulaire.

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