Quand l'impulsion vient de l'europe

Changement climatique, nouveaux modèles socio-économiques, transformation digitale… L’Europe et ses citoyens vivent des jours intenses et complexes dus à l’arrivée de défis majeurs touchant tous les pans de la société. En ces temps incertains pour l’avenir de la planète bleue et la qualité de vie rêvée par des millions de personnes aux quatre coins du globe, l’Europe, à travers ses institutions, ambitionne de devenir la locomotive d’un modèle durable et redéfinit ses stratégies de développement. Comment progresse-t-elle dans cette aspiration ? Il s’agit là de conduire le continent vers une société bas carbone et inclusive et de mener la barque d’un avenir résilient aux défis du futur. À l’heure du renouvellement des instances européennes, zoom sur les initiatives de l’Union pour la construction d’un monde responsable.



Prospérité et durabilité, une signature européenne

L’Union européenne. Un ensemble où 500 millions de personnes vivent dans des conditions socio-économiques favorables. Cependant, les ressources à mettre en œuvre pour atteindre cette qualité de vie ont indéniablement des impacts environnementaux élevés. À l’heure actuelle, si tous les habitants de la planète consommaient autant que les Européens, il faudrait l’équivalent de 2,86 Terres pour les satisfaire ! De facto, l’avenir de l’Europe est intrinsèquement lié à sa capacité à se saisir de ces enjeux.

En s’intéressant aux liens qui unissent l’Union européenne et le développement durable, on se rend vite compte que celui-ci se trouve dans l’ADN même de la construction de l’Europe. Cette vision est particulièrement affirmée lors du Traité de Maastricht en 1992 ; «L'Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples (…) Elle œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée ».

Par ailleurs, l'adoption en 2015 à l’ONU des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) par l’Union européenne - et les Etats membres - reflète une reconnaissance que le statu quo planétaire est intenable. Par ce biais, l’UE s’engage à la mise en œuvre des adaptations nécessaires pour renverser les tendances mondiales contemporaines ayant des répercussions négatives sur les perspectives économiques, sociales et écologiques des générations futures. Croissance, emplois, bien-être, capital naturel, cohésion sociale : l'impératif de changement est reconnu comme un défi universel et solidaire. La signature des Accords de Paris pour le climat durant la même année a permis de renforcer d’autant plus le positionnement de l’Union européenne et d’affirmer sa vision pour un avenir durable.

Du côté de la société civile, les appels se multiplient eux aussi. Les citoyens européens se font entendre et affirment leur volonté d’avancer vers un environnement socio-économique plus soucieux des défis climatiques. Les manifestations étudiantes pour le climat en 2019 ont été particulièrement marquées en Europe avec plus d’un million de jeunes réunis à travers 1851 villes !

Autre signe, les résultats des urnes lors des dernières élections européennes ont été très parlants avec le Groupe des Verts/Alliance libre européenne détenant à présent 74 sièges au Parlement, représentant ainsi le 4ème groupe le plus représenté. Les citoyens exigent désormais clairement que le sujet soit placé en haut de l’agenda européen.

Mais si la vision semble établie et le contexte particulièrement pressant, qu’en est-il réellement des traductions concrètes des engagements de l’Union et de ses institutions ? Comment opèrent-t-elles les changements nécessaires ? Quels sont les avancées observées à ce jour mais aussi, et surtout, les défis qui attendent l’Europe demain ? Comment les politiques de l'UE peuvent-elles devenir un moteur opérant pour un avenir durable ? 

Le travail colossal des institutions en faveur du développement durable ces dernières années reste souvent méconnu et noyé dans l’Europe bashing ambiant. Les équipes planchent pourtant sans relâche pour faire avancer le sujet à coups de directives et autres plans afin d’impulser le changement à l’échelle du Vieux Continent. Zoom sur cinq avancées notoires en la matière.

-Vers une Europe durable. Dates clefs depuis 2015-

25 septembre 2015 : Adoption des objectifs du développement durable à l'ONU par l'Union Européenne en collaboration avec ses Etats membres

2 décembre 2015 : Plan d'action de l'Union Européenne en faveur de l'économie circulaire (COM/2015/0614)

5 octobre 2016 : l'UE ratifie l'accord de Paris sur le climat adopté en décembre 2015 à l'occasion de la COP 21

17 mai 2017 : Règlement sur les minéraux de conflit  (règlement UE 2017/821)

17 novembre 2017 : Le socle européen des droits sociaux est approuvé conjointement par le Parlement européen, le Conseil et la Commission lors du sommet social pour des emplois et une croissance équitables

4 mars 2019 : Rapport de la Commission relatif à la mise en oeuvre du plan d'action en faveur d'une économie circulaire (COM(2019) 190 FINAL)

4 avril 2019 : Adoption des directives sur la conciliation travail-vie privée (COM/2017/0797-2017/0355(COD)) et les conditions de travail (COM/2017/0253 final-2017/085 (COD))

16 mai 2019 : 10 ème forum annuel de la plateforme des hartes de la diversité

5 juin 2019 : Adoption de la directive relative à la réduction de plastiques à usage unique (directive 2019/904/UE)

18 juin 2019 : Mise à jour de la directive sur le reporting extra-financier (directive 2014/95/UE)

15 Mars 2021 : La Commission fixe des priorités en matière de recherche et d'innovation pour un avenir durable dans le cadre du Plan stratégique 2021-2024 pour «Horizon Europe», le nouveau programme de recherche et d'innovation de l’UE

21 avril 2021 :

Loi européenne sur le climat. Le Conseil et le Parlement parviennent à un accord provisoire définissant dans la loi l’objectif d’une UE climatiquement neutre d’ici 2050, ainsi qu’un objectif collectif et net de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% par rapport à 1990.

* La Commission propose de nouvelles règles et actions visant à faire de l'Europe le pôle mondial d’une intelligence artificielle digne de confiance. L’Europe veut s’adapter à l’ère numérique.

* La Commission présente le décret d'application de la Taxonomie


 

Des mesures ambitieuses en faveur de l’économie circulaire

Promouvoir les modèles de production et consommation non linéaires a été une grande priorité établie par la dernière Commission. En décembre 2015, celle-ci a adopté un plan d’action prévoyant 54 mesures pour accélérer la transition de l’Europe vers une économie circulaire (« Boucler la boucle : un plan d'action de l'Union européenne en faveur de l'économie circulaire » - COM/2015/0614). Cette initiative a pour but de promouvoir l’innovation, d’encourager la croissance et la création de nouveaux emplois.

À travers la mise en œuvre de ce plan, l’Europe ambitionne de modifier les modes de consommation et de production existants en mettant l'accent sur la conception des produits (résilience, réparation, réutilisation et recyclage), les déchets (prévention, recyclage, valorisation énergétique, élimination par décharge) ainsi que la sensibilisation des consommateurs.

Dans ce sens, cinq secteurs prioritaires ont été identifiés dans le plan d’action de l’Europe pour accélérer la transition  tout au long de la chaîne de valeur : les matières plastiques, les déchets alimentaires, les matières premières critiques, la construction et la démolition, la biomasse et les biomatériaux. En mars 2019, la Commission européenne a publié son rapport sur les avancées de l’implémentation du plan d’action pour l’économie circulaire (COM(2019) 190 final). On y apprend qu’en 2016 les secteurs concernés par l'économie circulaire employaient déjà plus de quatre millions de travailleurs. Cela représente une augmentation de 6% en quatre ans. De plus, les activités économiques basées sur l'économie circulaire telles que la réparation, la réutilisation ou le recyclage ont généré près de 147 milliards d'euros de valeur ajoutée et environ 17,5 milliards d'euros d'investissements en Europe.

Engagement de l'UE relatif aux minéraux de conflit

Le règlement sur les minéraux de conflit adopté le 17 mai 2017 par l’Union européenne (règlement UE 2017/821) exige un contrôle de la chaîne d'approvisionnement pour les importations dans les pays membres de l'UE de l'étain, du tantale, du tungstène et de l'or.

Utilisés lors de la fabrication de nombreux appareils high-tech ainsi que dans la production de bijoux, ces minéraux sont dans le viseur de l’UE pour des questions éthiques, notamment de protection de droits de l’Homme. En effet, dans certaines zones de conflits, les groupes armés ont recours au travail forcé pour extraire ces matières premières qu'ils vendent ensuite pour financer leurs activités criminelles. Le règlement de l’UE a été mis en place pour s'assurer que les minéraux achetés ou vendus par des parties prenantes européennes ne représentent plus de potentielles sources de financements pour ces groupes armés au détriment de la sécurité des individus dans ces zones. D’un point de vue pratique, cette nouvelle réglementation impose aux importateurs européens de vérifier si les minéraux qu'ils introduisent dans l’Union ont été extraits et traités de façon responsable.

Depuis l’adoption de ce règlement, et en amont de sa mise en œuvre effective à partir de janvier 2021, l’Union européenne avait d’ores et déjà mis en place des initiatives à travers son programme en faveur des minéraux pour le développement durable en partenariat avec le Groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (UNDP). On peut notamment citer la signature, en octobre 2018, de la Déclaration de Mosi-oa-Tunya sur le développement durable au sein de l'artisanat et l'exploitation minière à petite échelle signée par 72 nations à l’occasion d’une conférence internationale sur le sujet en Zambie.

Crédit : Frédériqueries.be

La députée Frédérique Ries, rapporteur de la directive relative aux plastiques à usage unique, mobilise les troupes à la veille du vote en plénière.

Vers une consommation zéro des plastiques à usage unique

Une avancée de l’Europe en matière de développement durable ayant récemment fait couler beaucoup d’encre – et notamment au Luxembourg !- est la directive relative à la réduction de l’incidence sur l’environnement de certains produits composés de plastique à usage unique adoptée le 5 juin 2019 par le Conseil européen (directive 2019 / 904 / UE).

Des pailles aux couverts en plastique en passant par les bâtonnets coton-tige, cette nouvelle directive - en vigueur à partir de 2021 - implique le retrait pur et simple de certains des produits composés de plastique à usage unique polluant le plus les plages européennes. Cette mesure introduit également des restrictions en terme de nettoyage et de gestion des déchets. Sur le plan financier, cet engagement affiche une potentielle économie de 22 milliards d'euros pour les Etats membres d'ici 2030 et place l’Union européenne au rang de leader mondial en terme de lutte contre les nombreux impacts négatifs liés à la pollution plastique. 

« Unie dans la diversité »

Piliers de la Charte européenne sur les droits fondamentaux (2000/C 364/01), la promotion de la diversité représente un aspect complémentaire aux organismes de promotion de l’égalité créés suite à l’obligation légale découlant de la directive sur l’égalité de traitement sans distinction de race ou d’origine ethnique (directive 2000/43/CE) ainsi que la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (directive 2000/78/CE) adoptées il y a presque 20 ans maintenant.

L’Union européenne s’investit ainsi sur ce sujet via une stratégie RH interne de gestion de la diversité pour l’ensemble de ses fonctionnaires ou encore à travers la plateforme européenne des Chartes de la Diversité créée en 2010. Ce dispositif offre un espace d’échange d’expériences et bonnes pratiques entre les promoteurs nationaux des Chartes de la Diversité grâce à des rencontres régulières et séminaires d’experts. La Commission européenne soutient également ce mouvement à travers le financement de projets à petite échelle. Grâce à ces efforts, 24 Etats membres sont aujourd’hui détenteurs d’une Charte de la Diversité. Des milliers d’entreprises ont ainsi analysé et optimisé leurs processus RH pour la mise en place de pratiques visant l’amélioration des conditions de travail, une meilleure intégration des nouvelles recrues, la formation et la sensibilisation à tous les niveaux de l’organisation ou la prise en compte de la diversité dans les plans de gestion de carrière et lors des recrutements.

Le 16 mai 2019, la Commission européenne a tenu la 10ème édition de son forum annuel de la plateforme des Chartes de la diversité. Cet évènement rassemble des politiciens européens et la société civile pour réfléchir ensemble à la mise en place de nouvelles actions concrètes – son plan d’action pour avancer sur l’égalité des personnes LGBTI par exemple - afin de poursuivre l’évolution de l’Union européenne vers une société égalitaire et unie dans la diversité comme le promeut sa devise.

L’amélioration des conditions de travail pour une Europe sociale

Compte tenu d'un monde du travail qui évolue rapidement, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont approuvé conjointement un socle européen des droits sociaux le 17 novembre 2017, lors du sommet social pour des emplois et une croissance équitables. La Commission européenne a introduit la même année deux propositions de directives pour une optimisation des conciliations travail-vie privée et des conditions de travail (COM/2017/0253 final - 2017/085 (COD) ; COM/2017/0797 final - 2017/0355 (COD)).

Avec l'adoption de ces deux directives par le Parlement européen le 4 avril 2019, les entreprises doivent, à partir de 2021, garantir à leurs employés des avantages sociaux plus conséquents. Ceci concerne l’extension des congés parentaux et des congés de maternité/paternité, l’augmentation des indemnisations, ou encore des horaires de travail plus souples pour favoriser une meilleure conciliation travail-vie privée. De plus, la relation d'emploi du travailleur devra être négociée avec l'employeur de manière claire et transparente, notamment en termes de contrat de travail, de durée de période d’essai, de double emploi, de formations et de conditions de travail.

Opportunités et défis de demain

L’Europe pose ainsi progressivement des jalons essentiels à son développement durable et permet d’accélérer la prise en compte des impératifs environnementaux et sociaux par les Etats membres qui pour nombre d’entre eux, il faut l’admettre, seraient restés attentistes en la matière. Cependant l’ambition affichée va bien plus loin. Qu’en est-il donc des prochains challenges de l’Europe pour continuer à avancer vers un avenir durable ? Des changements climatiques aux mutations démographiques et sociales en passant par les avancées technologiques, les dernières années ont rendu le monde plus complexe et sujet à des transformations rapides. Cette accélération est synonyme d’opportunités et de défis ! Pour les prendre en compte, l’Europe a placé différentes priorités au sein de son agenda stratégique pour 2019-2024.

Un agenda ambitieux

Au sein de cette stratégie se côtoient piliers environnemental, social et économique pour la construction d’une Europe résiliente, juste et compétitive. On y retrouve ainsi des mesures pour une chaîne alimentaire générant moins de gaspillage du champ à l’assiette et soutenant à la fois les agriculteurs et une alimentation saine. Une priorité qui s’impose car, à l’heure actuelle, chaque européen génère en moyenne 173 kg de déchets imputés au gaspillage alimentaire chaque année. Cela représente une perte financière d’environ 200€ par personne par an, soit - à l’échelle européenne - plus de 100 milliards de nourriture produite et jetée à la poubelle !

Les alternatives de mobilité et de construction basées sur de faibles consommations d’énergie s’inscrivent elles aussi dans les stratégies prioritaires de l’UE pour plus de durabilité. Primordiales en effet lorsque l’on sait que la mobilité représente 27% des GES en Europe et que l’immobilier intervient à hauteur de 40% dans la facture de consommation énergétique européenne.

La transition sociale et économique n’est pas laissée pour compte avec diverses mesures reprises au sein de la proposition "Horizon Europe" de la Commission concernant le prochain budget à long terme et les priorités de l'Union pour 2021 à 2027 (voir schéma ci-dessous). On y retrouve ainsi des sujets clefs tels que la promotion de l’éducation, le développement rural, les soins de santé, la recherche et l’innovation - notamment en termes de digitalisation- , la gouvernance, etc.

L’ensemble de ces politiques ouvrent de nouvelles possibilités d'emploi substantielles pour une grande variété de travailleurs ayant des qualifications et des profils variés. Il s’agit également de favoriser de nouvelles opportunités de transformations et de compétitivité sur les marchés internationaux via le renforcement des liens intrinsèques entre le climat et l’innovation ainsi que les alliances entre les secteurs privé et public. Plus globalement, ces mesures renvoient toutes aux défis que s’est imposée l’Europe via son objectif de neutralité carbone pour 2050 et ses engagements pour les ODD à atteindre d’ici 2030. La prochaine étape pour l’UE est, en finalité, la construction d’un nouveau narratif pour une société durable avec une croissance économique consciente des limites planétaires et au sein de laquelle les ressources sont distribuées de manière juste entre les citoyens.

Pour écrire ce nouveau chapitre, l’Europe peaufine notamment sa stratégie pour une finance durable, véritable accélérateur de transition vers une économie sobre en carbone et inclusive. Décryptage de ce plan d’envergure.

European Commission, 2018

Thèmes de mission proposés pour Horizon Europe et part des propositions reçues pour chaque thème (%). Le 17 avril 2019, le parlement européen a validé un accord provisoire quant à la proposition de la Commission européenne pour "Horizon Europe", un programme de recherche et d'innovation ambitieux de 100 milliards d'euros établi sur 7 ans qui succédera à "Horizon 2020".

Plan d'action pour une finance durable

Le plan d’action annoncé le 18 juin 2019 par l’Union européenne pour une finance durable a pour but de palier les défis majeurs de l’Europe à ce sujet à savoir le manque d’informations et de sensibilisation des investisseurs en termes d’investissements à long-terme, de gestion des risques orientés vers le développement durable ainsi que le manque de transparence.

Déjà en 2014, l’Union européenne adoptait une directive sur la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité (directive 2014/95/UE) incitant les grandes entités d'intérêt public (entreprises, banques, entreprises d'assurances et autres organisations désignées comme telles par les États membres) de plus de 500 salariés avec un total au bilan de €20 millions ou un chiffre d'affaires net de €40 millions de rendre compte de leur exposition - et leur contribution - aux risques en terme de durabilité. Autrement dit, cette mesure a pour but de couvrir à la fois l'impact des entreprises sur le développement durable et, inversement, la manière dont les entreprises sont impactées par les défis sociaux, climatiques et économiques. 

Suite à l’adoption de cette directive, la Commission européenne a publié, en 2017, ses lignes directrices sur la méthodologie de reporting d'informations non financières conforme aux exigences de la directive (C(2017)4234 final). L'objectif est d'aider les entreprises  à publier des informations environnementales, sociales et gouvernementales pertinentes et comparables entre elles de façon à favoriser une croissance européenne résiliente, durable et transparente.

En juin 2019, après une consultation publique organisée dans le cadre de son plan d’action pour la finance durable quelques mois auparavant, le groupe d'experts techniques mis en place par la Commission européenne a abouti à différentes publications. Celles-ci concernent les rapports finaux sur la taxonomie de l'UE (TEG report on EU taxonomy) et la norme européenne pour les obligations vertes (EU-GBS) ainsi qu'un rapport intermédiaire sur les repères climatiques (TEG report on EU green bond standard). Par conséquent, la taxonomie européenne instaure à présent un système de classification des activités financières selon des critères de durabilité. La Commission a, par la même occasion, enrichi ses lignes directrices concernant le reporting extra-financier en y formulant des recommandations climatiques supplémentaires.

Crédit : CSR Europe

Touchant à la fois les investisseurs et les sociétés émettrices, le plan d'action pour une finance durable bouleverse les relations des entreprises avec les marchés financiers. Les entreprises ou les projets dont les activités répondront aux exigences de la taxonomie auront un effet de levier plus important pour mobiliser des capitaux afin de financer leurs activités. Inversement, les entreprises qui ne s'aligneront pas sur ces exigences ne seront plus en mesure de présenter leurs activités comme durables ce qui les rendra moins attractives pour les investisseurs.

De manière générale, les experts s’accordent à dire que le plan d’action n’est pas encore parvenu à atteindre un niveau suffisamment prescriptif pour créer l’adhésion souhaitée des entreprises concernées par la directive. Pour stimuler cet engagement et le rendre adapté aux attentes européennes, la Commission a proposé la mise en place du « European Corporate Reporting Lab » et réfléchit d’ores et déjà aux prochaines révisions à apporter à la directive sur base des progrès observés.

Ces nouvelles lignes directrices s'inscrivent dans le cadre des efforts déployés par la Commission pour faire en sorte que les acteurs du secteur financier avec des capitaux privés puissent jouer leur rôle déterminant dans la transition vers une économie climatiquement neutre. Environ 6 000 entreprises sont concernées par l'application de la directive.

Crédit : European Union 2019 – European Parliament

Ursula von der Leyen a présenté son programme au Parlement européen le 16 juillet dernier avant d’être élue Présidente de la Commission.

Vers un nouveau narratif européen

Les enjeux se font de plus en plus pressants et complexes. Croissance économique confrontée aux limites de notre planète, prise en compte de la composante sociale dans la transition écologique, nécessité de redéfinir le travail à mesure que les populations vieillissent et que le monde se digitalise… La complexité réside, en fait, dans l’idée que ces mutations nécessitent non plus une approche en silos mais plutôt holistique où les enjeux sont intrinsèquement liés. La magnitude de ces défis appelle à la fin du statu quo et du « business as usual ». Et l’Europe avance en prenant, bien souvent, la position de précurseur sur nombre de ces questions. Mais il s’agit pour elle d’accélérer et d’opérer un tournant historique et systémique pour saisir l’opportunité d’une transition vers un nouveau modèle, une projection positive offerte à des citoyens Européens en quête de renouveau. La menace de délitement et le scepticisme qui pèse sur l’action et la finalité de l’Union ne lui laissent guère d’autre choix que de s’engager pleinement dans ce nouveau récit pour le Vieux Continent. Il se pourrait que la toute nouvelle Présidente de la Commission Ursula von der Leyen ait entendu ce message, à en croire l’ambition de sa déclaration "Mon agenda pour l’Europe": 

« L'Europe doit mener la transition vers une planète saine et un nouveau monde numérique. Mais elle ne peut le faire qu'en rassemblant les gens et en modernisant notre économie sociale de marché unique pour qu'elle corresponde aux nouvelles ambitions d'aujourd'hui. »

(A Union that strives for more - My agenda for Europe. Ursula von der Leyen).

-Article initialement publié en septembre 2019-