Tribune de Valérie Arnold
Une économie mondiale durable n'est pas un luxe. C’est un impératif social. Les instruments politiques et les parties prenantes - et notamment les millénials (qu’attend la plus grande transmission de patrimoine intergénérationnelle de l’histoire de la part de leurs parents baby-boomers vieillissants) – exigent de plus en plus fréquemment une transparence sur les questions de responsabilité sociale des entreprises. Les entreprises doivent rendre des comptes à leurs actionnaires et à leurs parties prenantes en ce qui concerne à la fois leurs informations financières et non financières (INF).
L’Union européenne (UE) se trouve à la pointe des initiatives encourageant la communication d’informations non financières, avec l’adoption initiale de la directive relative à la publication d’informations non financières en 2014 et sa mise en œuvre en 2018. À l’heure actuelle, environ 6 000 entreprises sont soumises à ces obligations. Nous estimons qu'avec le temps et quelques modifications des exigences, les entreprises de toutes tailles seront soumises à de tels rapports.
Cependant, bien qu’elle soit incroyablement utile et nécessaire, une législation qui impose des exigences relatives à la communication d'informations liées au changement climatique n’est pas suffisante. Elle devra être agrémentée d’une panoplie d'autres mesures comprenant des voies d'exécution, des orientations utiles et un échange de bonnes pratiques afin d’accompagner efficacement l’application des recommandations émises par le groupe de travail sur la communication d’informations financières liées au climat.
De plus, si ce dernier entend fournir une plus grande transparence et une plus grande clarté sur les conséquences potentielles que les problématiques climatiques pourraient avoir sur les sociétés, il est urgent que les informations à ce sujet s'intègrent au rapport principal au lieu de figurer majoritairement dans des rapports séparés sur les risques climatiques ou le développement durable. L’intégration des informations liées au climat dans le rapport principal permet de mieux faire le lien entre celles-ci et les informations financières. Ceci contribuera à fournir des informations d’aide à la prise de décisions permettant aux investisseurs de déterminer où et comment investir les capitaux, et il s'agit là du but recherché.
Une vérification par des tiers pour asseoir la confiance
Étant donné que les INF n'en sont qu’à leurs balbutiements, l’établissement de référentiels de communication adaptés constitue un défi. À l’heure actuelle, au niveau mondial, de nombreux organismes de premier plan tels que les organismes de normalisation, les associations de benchmarking et les associations sectorielles collaborent afin d'essayer de créer un ensemble cohérent d’indicateurs pouvant être utilisés par les entreprises pour mesurer leur performance. Ces indicateurs sont basés sur les 169 cibles des objectifs de développement durable (ODD) et sur des indicateurs clés de performance (ICP) liés au climat. Ces indicateurs permettraient une transformation en profondeur, surtout si ces ICP étaient communiqués en termes monétaires, permettant ainsi une comparaison et une compréhension véritables de la contribution effectuée par une société lorsqu’il s'agit d'atteindre les objectifs de développement durable définis au niveau mondial par les Nations Unies.
La confiance représente par ailleurs un impératif pour les parties prenantes. Il est aisé pour les sociétés de se parer de toutes sortes de vertus dans leurs rapports, mais peut-on leur faire confiance ? La confiance n’est pas seulement une question de foi. Les tendances mondiales montrent que la crédibilité des informations présentées peut également être améliorée par une assurance indépendante fournie par des tiers. Celle-ci permet aux parties prenantes d'avoir confiance dans les données et l’intégrité des informations communiquées par les sociétés.
L'audit extra-financier : sur le chemin de l’harmonisation
Au cours des 15 dernières années, les organismes de normalisation des audits financiers ont étendu leurs activités aux normes extra-financières. La première norme non financière de l’IAASB (International Auditing and Assurance Standards Board) était l’ISAE 3000 (International Standard for Assurance Engagements), émise en 2005, en réponse à la demande croissante des professionnels qui souhaitaient avoir un référentiel pour les audits et les examens d’informations non financières.
Ce qu’il convient surtout de retenir ici c'est que cette norme traite les informations extra-financières presque exactement de la même façon que les informations financières à des fins d’audit et d’assurance - un objectif pour le moins ambitieux au regard du caractère innovant et en constante évolution de la communication d’informations extra-financières. Dans ce sens, l’ISAE 3000 constitue un virage délibéré vers davantaged’harmonisation.
De telles initiatives visant à l’harmonisation sont en cours dans l’Union européenne et évoluent au fur et à mesure que les différents États membres transposent la directive relative à la publication d’informations non financières. La directive n'exige pas que les INF soient assorties d’une assurance externe. Toutefois, certains pays comme la France ou l’Italie par exemple exigent une vérification obligatoire. De plus, même en l'absence d’une quelconque obligation juridique, de nombreuses grandes entreprises européennes sollicitent des tiers indépendants afin que ceux-ci fournissent une assurance sur les INF publiées dans le cadre des rapports de gestion et de développement durable ainsi que sur des ICP particuliers.
S’il est vrai que des efforts importants ont été investis dans l’élaboration d’un référentiel pour l'audit et l'examen des informations extra-financières, on ne peut néanmoins passer sous silence certains problèmes intrinsèques. Outre le fait que les référentiels de publication d’informations extra-financières ne sont pas figés (sur le fonds ou la forme), les publications d’informations extra-financières regroupent aussi bien des données qualitatives que quantitatives, ce qui constitue un défi considérable. Les informations qualitatives étant essentiellement «subjectives» par nature, les professionnels peuvent uniquement vérifier la cohérence, l'exhaustivité et la neutralité des renseignements fournis par les émetteurs des rapports.
Qui plus est, comme les audits sont facultatifs, seule une poignée de sociétés font volontairement procéder à une vérification externe de leurs informations extra-financières. Pour le moment, les INF ne peuvent pas toutes bénéficier d’une certification en accord avec la norme ISAE 3000 (révisée) si elles ne remplissent pas certains critères. Toutefois, les entreprises ont de plus en plus tendance à rechercher des conseils externes. Et, bonne nouvelle s’il en est, on constate dans la pratique que, même en l'absence de référentiels, les audits externes des informations extra-financières fournies par les entreprises rendent celles-ci plus rigoureuses et plus cohérentes dans leurs publications tout en améliorant la fiabilité et la pertinence des informations publiées.
L’Union européenne se trouve à la pointe des initiatives encourageant la communication d’informations non financières.
Et demain ?
Les entreprises doivent être bénéficiaires afin de pouvoir continuer à jouer leur rôle d’employeurs et de prestataires de biens et de services pour la société civile. Et la société civile quant à elle doit comprendre la finalité d’une entreprise – sa raison d’être, son activité et la façon dont cette entreprise pourra pérenniser ses activités. Elles doivent apporter la preuve de leurs réalisations ; leur valeur sociétale est tout aussi importante que la valeur financière qu’elles créent.
La communication d’informations non financières fiables et exactes contribue à améliorer la gestion des risques, la performance sociétale, environnementale et financière et la compétitivité des entreprises. Elle apporte cette transparence qu'exigent toujours davantage les investisseurs, les parties prenantes et les actionnaires et elle renforce le comportement responsable des entreprises.
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