Illustration : Aurélien Mayer

Ces dernières années ont vu une véritable explosion du marketing vert avec un relifting stratégique de certains secteurs, l’automobile ou l’informatique par exemple. Toutefois, à coups de logos trompeurs, de slogans accrocheurs et d’étiquetages douteux, certaines entreprises faussent les cartes de l’hypertransparence en faisant miroiter des promesses vertes et vertueuses. 



Sous surveillance

Les actions de marketing qui visent à donner un contenu environnemental à des produits ou actions qui en sont dépourvus constituent l’écoblanchiment, plus connu sous la notion anglaise de greenwashing, terme utilisé pour la première fois en 1986 par l’environnementaliste Jay Westerveld. Autrement dit, c’est la récupération mercantile des préoccupations environnementales tout en conservant les mêmes méthodes ou technologies « business as usual ». Les conséquences du greenwashing sont doubles : les consommateurs se font manipuler et les bénéfices environnementaux sont nuls.

La publicité est souvent décriée pour son utilisation des techniques de greenwashing afin d’influencer la perception des consommateurs. Par exemple avec l’utilisation exagérée d’éléments graphiques ou sonores qui évoquent la nature : couleur verte, images de forêts, chants d’oiseaux... 

Le bon sens permet souvent de déjouer les cas les plus flagrants, mais d’autres messages sont plus ambigus. L’action des associations de consommateurs et des ONGs a contribué à décrédibiliser les campagnes de promotion basées sur des allégations environnementales trompeuses. Le prix Pinocchio est ainsi décerné chaque année par l’association des Amis de la Terre aux campagnes les plus mensongères. On se souvient par exemple du cas de la marque Renault dont la publicité « Eco 2 » montrait la navigatrice Ellen MacArthur et une voiture faisant repousser, comme par miracle, l'herbe automatiquement sur son passage. Le retour de manivelle a été cinglant et les consommateurs ont condamné la communication du constructeur à de multiples reprises. L'autorité française de régulation de la publicité a depuis remis un avis négatif à ce sujet. 

De véritables systèmes de vigilance s’organisent désormais sur les réseaux sociaux pour dénoncer les abus, à l’instar de la campagne twitter #duvraidupasvert qui déniche les slogans trompeurs dans le secteur de la mode. En réalité, cette veille permanente et omniprésente des citoyens laisse de moins en moins de place à l’intox. 

Mais cela ne s’arrête pas là. Au greenwashing fait maintenant écho le greenbashing (littéralement : cogner sur le vert), nouvelle pratique visant à décrébiliser tout ce qui est «_vert_». Plus concrètement, cela consiste à faire la promotion d’un produit ou d’un service en se moquant de l’écologisme et de ses militants qui sont alors souvent caricaturés. Le greenbashing s’appuie sur des clichés pour ériger la marque ou le produit à l’encontre d’un prétendu totalitarisme écologiste dominant. Ce type de communication prône le « laisser vivre » face à l’écologie culpabilisatrice, fer de lance du politiquement correct, pour assumer une activité loin d’être vertueuse. Un cas d’école reste la campagne de publicité Goodyear avec le « goodchoix » qui ridiculise les écolosbobos.

Le Prix Pinocchio dénonce les communications trompeuses

Fondé en 2008 par l'association les Amis de la Terre et décerné de 2009 à 2015, le Prix Pinocchio a fait son retour en 2019. Il vise à dénoncer les entreprises qui pratiquent le greenwashing et récompense ironiquement trois des pires entreprises en matière de respect des engagements environnementaux.

À chaque édition, plusieurs firmes sont nommées pour le décalage flagrant entre leur message promotionnel et la réalité de leurs actions. Les Prix Pinocchio illustrent par des cas concrets les atteintes au climat, à l’environnement et aux droits humains. L’édition 2020 dédiée au secteur de l'agrobusiness a « récompensé » la firme norvégienne d'engrais Yara, suivi par Lactalis et Bigard. Un prix qui a suscité cette année près de 12 700 votes en ligne.

L’essor des marques activistes

À l'extrême opposé du spectre se trouvent les marques activistes. Stimulées par l’opinion publique et encouragées par les collaborateurs, certaines entreprises prennent réellement position, prenant conscience qu’elles ont un rôle crucial à jouer face à des instances politiques affaiblies et des médias classiques décrédibilisés. Et elles ont raison ! Patagonia et Ben & Jerry’s sont deux marques reconnues pour leur engagement et prises de position tranchées. L’activisme et la volonté assumée d’avoir un rôle de plaidoyer sont alors inscrits dans l’ADN de l’entreprise allant jusqu’à protester et s’indigner publiquement pour défendre une cause bien définie. C’est tout à fait la stratégie de Patagonia qui a reformulé récemment sa raison d’être : « Notre entreprise existe pour sauver la planète » et explique dans la section «_activisme » de son site : « Nous voulons utiliser les ressources à notre disposition (notre voix, notre entreprise et notre communauté) pour agir contre le changement climatique ». La marque a, à cette fin, créé les Films Patagonia, élément phare de son dispositif de sensibilisation aux enjeux environnementaux, animé par un collectif de réalisateurs engagés. Dans un esprit voisin, Ben & Jerry’s possède également un activism manager dédié spécifiquement à ces questions. Pour ces marques, l’engagement est au cœur du business model et les convictions parties intégrantes des stratégies. L’authenticité est le ciment de leurs démarches, le plaidoyer leur modus operandi, l’impact positif leur seule unité de mesure. Si une telle exigence séduit de plus en plus de consommateurs, l’activisme sociétal des marques est une pratique très exigeante car la contribution positive doit être absolument tangible.

En effet, comme le résume Strick Walker, ex-directeur de Marketing Global de Patagonia « les consommateurs sont assez malins et éduqués pour déceler les communications de marque qui ne sont pas représentatives des actions et valeurs réelles ». Attention ! De l’activisme au washing, il n’y a qu’un faux pas qu’il vaut mieux ne pas franchir au risque d’être confronté à la vindicte populaire impitoyable sur les réseaux sociaux.

Les campagnes se multiplient sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les consommateurs aux incohérences des discours de marques.

Les techniques du greenwahing

Identifier le greenwashing n'est pas toujours chose aisée, il y a des nuances de vert et des subtilités dans l’utilisation frauduleuse de l’argument écolo. Certaines entreprises investissent de manière proactive dans des actions respectueuses de l'environnement, tandis que d'autres se concentrent sur de la communication creuse voire mensongère.

La matrice ci-dessous inspirée du travail de l’ONG américaine BSR (Business for Social Responsibility) permet aux entreprises de visualiser ces variantes pour mieux comprendre où elles se situent et comment elles peuvent progresser vers l’optimum vertueux, en haut à droite « Communication environnementale efficace ». Quelques conseils élémentaires mais judicieux ont été ajoutés pour aider les organisations à éviter toute forme de greenwashing.

Horiuchi, R.,Schuchard, R.,Shea, L. & Townsend, S. (2009). Understanding and preventing greenwash : a business guide.

Matrice inspirée du travail de l'ONG américaine BSR.

Communication imprécise

Cette catégorie concerne les entreprises qui font des efforts substantiels en termes de performance environnementale mais ont une communication inefficace. Elles font des généralisations radicales dans leurs affirmations ou avancent des promesses excessives ou encore utilisent à mauvais escient un langage écologique ou scientifique non maîtrisé. Le produit peut aussi être présenté comme totalement écologique alors que seul un de ses éléments l’est. Ces organisations ont un réel potentiel pour progresser vers le quadrant « Communication environnementale efficace » en concentrant leurs messages avec précision sur les impacts positifs tout en étayant ces affirmations avec des données clés.

Conseils : Être précis sur la portée de ses efforts, ne pas généraliser les bénéfices. La communication sur les engagements de l'entreprise doit être spécifique et présenter des actions dont les effets sont évalués. Se limiter aux effets positifs vérifiés et vérifiables. Privilégier l’humilité grâce à un message clair et maîtrisé.

Pur greenwashing

Entre opportunisme écologique et réel mensonge, la frontière est subtile. Cette catégorie concerne les entreprises qui utilisent volontairement le marketing pour s'octroyer, sans le moindre fondement, une image écologique. On entre dans la réelle tentative de manipulation à grand renfort d’éléments graphiques ou sonores d’ordre symbolique qui évoquent la nature ou une image écolo de manière plus ou moins subliminale. Les faux labels font partie du lot. Un « label écologique » fantoche peut faire croire à une véritable certification alors qu’il ne s’agit que d’une initiative « maison » développée sans méthode d’attribution ni contrôle indépendant. Beaucoup de travail reste à faire pour déplacer ces entreprises dans le quadrant supérieur droit.

Conseils : Évaluer les impacts de l'entreprise tout au long de la chaîne de valeur, ceci permettra de développer et mettre en œuvre une stratégie environnementale. Identifier des preuves concrètes et accessibles reposant sur un référentiel complet, un vocabulaire précis, des informations claires ainsi qu’un logo sans ambiguïté. Adhérer à un label officiel reconnu et adapté (qui aura toujours beaucoup plus de poids qu’une vague auto-déclaration). Attester enfin que sa démarche environnementale est réelle, transversale à l’entreprise, budgétée et intégrée à la politique interne de l’entreprise.

Communication infondée

Le manque de preuve est la forme la plus fréquente de dérive marketing suivi de près par l’imprécision volontaire. Cela concerne le plus souvent une allégation environnementale non-étayée par des informations fiables. Le flou alimente le greenwashing. L’utilisation de slogans vagues ou du type « composé à X % de déchets recyclés », « Y % de réduction d’émissions de CO2 », non vérifiables est un signe. Ces données servent alors de promesse mais ne sont validées par aucun organisme tiers, ni même basées sur des analyses fiables. Impossible donc pour le consommateur de vérifier l’information. À titre d’exemple, rappelons qu’un produit nettoyant « entièrement naturel » peut toujours contenir des ingrédients nocifs qui se trouvent naturellement dans l’environnement comme le mercure ou l’arsenic. Au premier abord, les mots n’engagent à rien, mais la rhétorique trompeuse ne pourra que se retourner contre l’organisation. Avec le temps, ces entreprises tendront vers le quadrant « Pur Greenwashing ».

Conseils : Éviter les effets d’annonce et de rhétoriques. Miser avant tout sur la sincérité et l’authenticité. Ne pas oublier que « le faire » doit toujours précéder le « faire savoir ». Les slogans creux comme « bon pour la planète » sont à proscrire car ils inspirent désormais la méfiance. Préciser sur quoi repose son argumentaire : sur le produit, son processus de fabrication, son packaging ? Les preuves concrètes sont toujours plus crédibles et c’est justement ce que les consommateurs avertis recherchent aujourd’hui. Être honnête sur les points forts de ses produits. Si ces points forts ne sont pas vérifiables, engager une analyse précise. Il n’existe pas de produits sans aucun impact, et les consommateurs acceptent volontiers cet état de fait, à condition qu’il n’y ait pas de promesse mal calibrée.

Communication environnementale efficace

C'est l'objectif final. Les entreprises de cette catégorie améliorent les performances environnementales de leurs produits et alignent cette politique sur leurs différentes fonctions ou le long de la chaîne de valeur. Elles sont en mesure de communiquer en transparence leurs efforts (aussi bien leurs progrès que les défis qui se présentent) vers les consommateurs mais également les parties prenantes. Cet engagement nécessite d’interroger en profondeur sa culture d’entreprise.


Communication imprécise

Cette catégorie concerne les entreprises qui font des efforts substantiels en termes de performance environnementale mais ont une communication inefficace. Elles font des généralisations radicales dans leurs affirmations ou avancent des promesses excessives ou encore utilisent à mauvais escient un langage écologique ou scientifique non maîtrisé. Le produit peut aussi être présenté comme totalement écologique alors que seul un de ses éléments l’est. Ces organisations ont un réel potentiel pour progresser vers le quadrant « Communication environnementale efficace » en concentrant leurs messages avec précision sur les impacts positifs tout en étayant ces affirmations avec des données clés.

Conseils : Être précis sur la portée de ses efforts, ne pas généraliser les bénéfices. La communication sur les engagements de l'entreprise doit être spécifique et présenter des actions dont les effets sont évalués. Se limiter aux effets positifs vérifiés et vérifiables. Privilégier l’humilité grâce à un message clair et maîtrisé.

Pur greenwashing

Entre opportunisme écologique et réel mensonge, la frontière est subtile. Cette catégorie concerne les entreprises qui utilisent volontairement le marketing pour s'octroyer, sans le moindre fondement, une image écologique. On entre dans la réelle tentative de manipulation à grand renfort d’éléments graphiques ou sonores d’ordre symbolique qui évoquent la nature ou une image écolo de manière plus ou moins subliminale. Les faux labels font partie du lot. Un « label écologique » fantoche peut faire croire à une véritable certification alors qu’il ne s’agit que d’une initiative « maison » développée sans méthode d’attribution ni contrôle indépendant. Beaucoup de travail reste à faire pour déplacer ces entreprises dans le quadrant supérieur droit.

Conseils : Évaluer les impacts de l'entreprise tout au long de la chaîne de valeur, ceci permettra de développer et mettre en œuvre une stratégie environnementale. Identifier des preuves concrètes et accessibles reposant sur un référentiel complet, un vocabulaire précis, des informations claires ainsi qu’un logo sans ambiguïté. Adhérer à un label officiel reconnu et adapté (qui aura toujours beaucoup plus de poids qu’une vague auto-déclaration). Attester enfin que sa démarche environnementale est réelle, transversale à l’entreprise, budgétée et intégrée à la politique interne de l’entreprise.

Communication infondée

Le manque de preuve est la forme la plus fréquente de dérive marketing suivi de près par l’imprécision volontaire. Cela concerne le plus souvent une allégation environnementale non-étayée par des informations fiables. Le flou alimente le greenwashing. L’utilisation de slogans vagues ou du type « composé à X % de déchets recyclés », « Y % de réduction d’émissions de CO2 », non vérifiables est un signe. Ces données servent alors de promesse mais ne sont validées par aucun organisme tiers, ni même basées sur des analyses fiables. Impossible donc pour le consommateur de vérifier l’information. À titre d’exemple, rappelons qu’un produit nettoyant « entièrement naturel » peut toujours contenir des ingrédients nocifs qui se trouvent naturellement dans l’environnement comme le mercure ou l’arsenic. Au premier abord, les mots n’engagent à rien, mais la rhétorique trompeuse ne pourra que se retourner contre l’organisation. Avec le temps, ces entreprises tendront vers le quadrant « Pur Greenwashing ».

Conseils : Éviter les effets d’annonce et de rhétoriques. Miser avant tout sur la sincérité et l’authenticité. Ne pas oublier que « le faire » doit toujours précéder le « faire savoir ». Les slogans creux comme « bon pour la planète » sont à proscrire car ils inspirent désormais la méfiance. Préciser sur quoi repose son argumentaire : sur le produit, son processus de fabrication, son packaging ? Les preuves concrètes sont toujours plus crédibles et c’est justement ce que les consommateurs avertis recherchent aujourd’hui. Être honnête sur les points forts de ses produits. Si ces points forts ne sont pas vérifiables, engager une analyse précise. Il n’existe pas de produits sans aucun impact, et les consommateurs acceptent volontiers cet état de fait, à condition qu’il n’y ait pas de promesse mal calibrée.

Communication environnementale efficace

C'est l'objectif final. Les entreprises de cette catégorie améliorent les performances environnementales de leurs produits et alignent cette politique sur leurs différentes fonctions ou le long de la chaîne de valeur. Elles sont en mesure de communiquer en transparence leurs efforts (aussi bien leurs progrès que les défis qui se présentent) vers les consommateurs mais également les parties prenantes. Cet engagement nécessite d’interroger en profondeur sa culture d’entreprise.


Au final, le greenwashing est un obstacle majeur au développement d'une économie durable. Il brouille les cartes et ralentit les efforts en rendant le consommateur sceptique vis-à-vis des initiatives environnementales. En outre, la lutte contre le greenwashing nécessite du temps et des ressources qui pourraient être bien mieux utilisés. En bref, la confiance est un capital, qui ne s’improvise pas mais se construit sur le long terme. Transparence et sincérité en seront les bases les plus solides. Le mot d’ordre est simple et ardu tout à la fois : communiquer sur ses engagements oui ! Mais au travers d’actions cohérentes alignées dès le départ avec la cause que l'on défend ! La tâche n’est certes pas facile, et face à une exigence sociétale grandissante à l’égard des entreprises, la ligne de crête est toujours étroite voire glissante. Il ne s’agit alors pas de surfer sur la vague mais plutôt de sortir de sa zone de confort pour intégrer à la stratégie de la marque des dimensions fortes et inspirantes sur le long terme, déclinées en actions tangibles et vérifiables. Dès lors, la route est toute tracée et vous éviterez la douche froide !

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