Atelier de co-création sur le surendettement, IMS Luxembourg

De par ses conséquences humaines et économiques, le surendettement est une problématique qui touche tant les particuliers et les entreprises que les états. Différents leviers peuvent être mis en œuvre et de multiples acteurs sont à impliquer pour répondre à ce défi : éducation financière, prévention et accompagnement des personnes surendettées.



Les solutions au niveau étatique

Les gouvernements, collectivités locales et régulateurs ont un rôle essentiel à toutes les étapes de la lutte contre le surendettement. En effet, ils disposent de moyens qui leur permettent de toucher l’ensemble de la population et d’infléchir la situation de manière positive.

Certains états sont proactifs sur le sujet, comme la Belgique, l’Espagne ou encore l’Italie, où des fichiers de recensement des emprunteurs potentiels existent, indiquant tous les crédits effectués par une personne. Cela permet notamment aux banques de connaître l’historique et les ressources d’un client avant de lui accorder un emprunt et ainsi d’éviter le crédit de trop qui mènerait à une situation critique. En France, la loi Lagarde de 2010 introduit un encadrement plus poussé des crédits à la consommation et impose plus de transparence envers les clients, notamment en imposant de proposer une alternative sans frais aux crédits renouvelables. Une enquête de l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers révélait toutefois en 2016 qu’elle n’était que peu respectée, voire même détournée au détriment des clients : certaines enseignes couplent les emprunts sans frais à la souscription à une carte du magasin, qui elle, donne accès à des crédits revolving sous forme de « réserves d’argent ». De même au Royaume-Uni, le registre des crédits est utilisé par certains organismes prêteurs pour imposer des taux d’intérêts plus élevés aux clients les plus fragiles. Les états ont donc une marge de manœuvre ainsi qu’une responsabilité importante dans le traitement du surendettement mais, le crédit restant l’un des moteurs de la croissance et de la consommation, le sujet de son encadrement s’avère parfois sensible. D’autre part, les lois et réglementations, insuffisamment respectées ou contraignantes, ne permettent pas d’empêcher toutes les dérives liées au marché du crédit.

ÉDUCATION FINANCIÈRE

Au Luxembourg, la Commission de Surveillance du Secteur Financier a choisi la voie de la sensibilisation du grand public pour prévenir le surendettement. Elle a pris l’initiative en 2012 de former un comité pour la protection du consommateur financier, à l’instar d’autres membres de l’OCDE. Dans le cadre de ses missions, ce comité a publié en 2015 une stratégie nationale d’éducation financière, qui fixe plusieurs objectifs pour le pays dont notamment ceux de développer les connaissances financières des consommateurs, de promouvoir le comportement financier responsable au Luxembourg et de préparer les jeunes le plus tôt possible à un environnement économique devenu plus complexe.

La CSSF travaille désormais sur deux projets concrets en collaboration avec d’autres acteurs : un portail web et une application mobile d’éducation financière sont en cours de développement.

ACCOMPAGNEMENT

En Espagne, les familles surendettées sont fréquemment expulsées de leur logement. Entre 2007 et 2015, le Conseil général du pouvoir judiciaire a inscrit près de 700.000 dossiers d’expulsion parmi lesquels près de 500.000 ont abouti. Face à cela, une réforme de la loi sur les crédits hypothécaires a été proposée par initiative législative populaire.

Bloquée à Madrid, elle a été acceptée à l’unanimité par le parlement de Catalogne en juillet 2015. Elle offre ainsi aux familles la possibilité de se libérer de leurs dettes avec l’application du principe de la dation en paiement et instaure un mécanisme d’interruption des expulsions pour les locataires comme les propriétaires. Le gouvernement populaire a toutefois déposé un recours devant le tribunal constitutionnel face à ce qu’il considère comme une exception régionale et en 2016, la loi a été suspendue.

Le rôle des entreprises

À travers la relation qu’elles ont avec leurs clients ou collaborateurs, les entreprises peuvent être des acteurs majeurs de la prévention du surendettement. En effet, les entreprises prestataires de services (banques, organismes de crédits, fournisseurs d’énergie ou de téléphonie…) sont les premières en mesure de déceler les difficultés financières de leurs clients, dès lors qu’il y a un impayé. En interne, les employeurs peuvent également faire le choix de se préoccuper de la santé financière de leurs collaborateurs. Pour l’entreprise, c’est un engagement qui s’inscrit dans une démarche de responsabilité sociétale et qui prend en compte les besoins de ses différentes parties prenantes, internes et externes. Tenir compte de ses clients les plus fragiles et de ses employés permet ainsi de se démarquer de ses concurrents, en particulier pour les organismes de crédit et le secteur bancaire, qui ont une part de responsabilité importante dans la question du surendettement. Un tel engagement peut de plus avoir un retour sur investissement non négligeable. En terme de fidélisation en premier lieu : pour 64% des consommateurs l’entreprise doit s’engager sur des sujets en rapport avec son cœur de métier, et selon une enquête globale d’Unilever, 33% des consommateurs choisissent désormais les marques en fonction de leur impact environnemental ou social. La même idée se retrouve en matière de rétention des collaborateurs : une enquête de Willis Towers Watson mettait ainsi en avant une corrélation directe entre les problèmes financiers des employés et leur performance au travail à travers les jours d’absence, la productivité et leur engagement.

ÉDUCATION FINANCIÈRE

En France, l’association Crésus (acronyme de Chambre Régionale du Surendettement Social) a développé depuis 2014 le programme d’éducation financière Dilemme. En collaboration avec des professionnels du monde bancaire et financier, le jeu vise à former à la gestion d’un budget des jeunes de 16 à 25 ans dans des lycées professionnels et centres de formation. En 4 ans, plus de 400 000 stagiaires ont ainsi été formés par 611 ambassadeurs. Les banques Société Générale et BNP Paribas ont notamment participé plusieurs années de suite en tant qu’experts. « Le jeu Dilemme au sein des agences est un moment d'échanges et de convivialité qui permet d'apprendre de manière ludique et en famille la gestion de budget », explique Raphaèle Leroy, Responsable des relations avec les consommateurs et RSE de la banque de détail de BNP Paribas.

De nombreuses initiatives semblables existent en Europe : en Pologne, Eurobank a développé un programme « Le budget du foyer » dans lequel les spécialistes de la banque font profiter les consommateurs polonais de leur savoir concernant la façon d’utiliser les services bancaires de manière raisonnée, à travers notamment deux plateformes web. Au Luxembourg, la Woch vun de Suen (semaine de l’argent) mobilise de nombreux employés du monde bancaire et financier qui sensibilisent les enfants de l’école fondamentale aux questions d’argent. De même, Société Générale offre l’opportunité à ses employés de se mobiliser pour l’éducation financière dans plusieurs pays dans lesquels le groupe est présent (Maroc, Albanie, République Tchèque, Sénégal…).

Utiliser l’expertise de l’Economie sociale et solidaire

Les entreprises, notamment du milieu financier, sont nombreuses à s’engager en faveur de l’éducation financière. Mais ces initiatives sont principalement réservées au volet externe (grand public, écoles…) et bien qu’elles soient utiles, restent ponctuelles. En s’associant dans un partenariat plus poussé avec des associations spécialisées, les entreprises ont la possibilité de travailler sur tous les volets de la lutte contre le surendettement : en amont, la prévention mais également l’accompagnement et le soutien aux personnes surendettées.

En effet, les acteurs de l’Economie sociale et solidaire possèdent une véritable expertise sur le sujet et dans un grand nombre de pays européens, les associations familiales et d’aide aux consommateurs sont les principaux interlocuteurs pour les personnes en difficultés financières.

PRÉVENTION 

En France, Crésus a imaginé en 2010 une plateforme d’intermédiation, en partenariat avec différentes institutions bancaires, dans l’objectif d’identifier les clients fragiles en amont. Son fonctionnement repose sur l’apport des deux partenaires : les banques co-créent avec Crésus un système de référents pour identifier les consommateurs à risque et les rediriger vers la plateforme d’accompagnement personnalisé de l’association. Crésus apporte son expertise en gestion de risque et prévention. Quant aux partenaires, ils améliorent leur offre de crédit responsable tout en réduisant les coûts liés au traitement des dossiers de surendettement. Ils donnent également l’opportunité à leurs équipes de monter en compétence sur ce sujet et de réduire les risques psycho-sociaux liés au traitement des clients fragiles. Cela permet ainsi d’offrir une solution positive en alternative au recouvrement classique. Les résultats depuis le lancement de la plateforme sont probants : 500.000 ménages surendettés conseillés et accompagnés parmi lesquels 57 à 80% sont durablement sortis du surendettement. En 2015, la plateforme comptait 65 partenaires et a permis à ces entreprises de récupérer 400 millions d’euros sur des retards de paiement.

INCLUSION BANCAIRE

En France, BNP Paribas a racheté en 2017 le compte Nickel, un compte « sans banque » qui s’ouvre en quelques minutes chez un buraliste. Cette offre vise les personnes confrontées à des difficultés financières et cumule à ce jour plus de 700 000 clients, dont 60% gagnent moins que le salaire minimum. L’objectif de Nickel ? Trouver des solutions concrètes à la pauvreté, à l’exclusion bancaire et au surendettement en passant par l’accès au crédit et par l’accompagnement social. C’est pourquoi ce compte est ouvert à tous (même aux interdits bancaires) et propose une offre peu coûteuse et sans découvert autorisé.

Consultez le rapport d'IMS sur le surendettement au Luxembourg ici.