Crédit : IMS Luxembourg

Le cadre d’audit Age AWARE se concentre sur cinq domaines où les pratiques âgistes sont fréquemment observées : accessibilité et design, lieu de travail, capacité d’adaptation, représentation et engagement. Ce type d’outil aide à repérer les biais âgistes invisibles et à tirer parti du potentiel de l’économie de la longévité. Être « age-aware », c’est examiner ces cinq dimensions interconnectées pour remettre en question les stéréotypes, identifier de nouvelles opportunités et reconnaître la valeur des personnes âgées, qu’elles fassent partie de la clientèle, des effectifs ou des parties prenantes de l’organisation.



1. Accessibilité et design

Une entreprise « age-aware » veille à ce que ses produits, services et espaces, physiques comme numériques, tiennent compte des évolutions sensorielles, cognitives et physiques liées à l’âge, et soient utilisables à tout âge sans stigmatisation. Comme l’explique Kat Holmes, Chief Design Officer chez Salesforce et autrice de Mismatch: How Inclusion Shapes Design, « le design est essentiel à une croissance inclusive ». Améliorer l’accessibilité permet d’élargir sa base client, d’améliorer l’expérience utilisateur et de renforcer sa réputation en matière de responsabilité sociale et d’inclusion

Questions clés à se poser

  • Impliquons-nous les personnes âgées dans la conception et les tests d'usage ?
  • Utilisons-nous les principes de design universel pour nos produits, services, lieux physiques et plateformes numériques ?
  • Avons-nous des pratiques pour garantir garantissant l'accessibilité sans stigmatisation ?
  • Sollicitons-nous des retours réguliers pour améliorer nos offres de manière itérative ? 
  • Pouvons-nous évaluer concrètement l'accessibilité de nos offres pour les personnes âgées ?

Exemples de pratiques âgistes cachées

  • Offrir uniquement un service client via des chatbots, en négligeant la préférence pour une interaction humaine.
  • Concevoir des établissements, notamment de santé, avec de longues distances à parcourir, une signalétique insuffisante ou un éclairage et des assises inadaptés.
  • Développer des applications avec des textes peu contrastés et des icônes trop petites, rendant leur utilisation difficile pour les personnes ayant des troubles de la vision ou de la dextérité. 

2. Lieu de travail

Une entreprise « age-aware » crée un environnement qui valorise les compétences de toutes les générations, reconnaît l’expérience, stimule l’innovation intergénérationnelle et répond aux besoins évolutifs d’un personnel plus âgé. Comme l’expriment les chercheurs Catherine Collinson et Michael Hodin, une main-d’œuvre multigénérationnelle « apporte un éventail passionnant de compétences, de perspectives et d’expériences de vie qui peuvent renforcer l’innovation, la productivité et les performances globales d’une organisation ». Les efforts dans ce domaine renforcent l’attractivité de l’entreprise, améliorent la transmission des savoirs et favorisent une culture plus inclusive et résiliente.

Questions clés à se poser

  • Nos stratégies de recrutement et de fidélisation incluent-elles efficacement les travailleurs seniors ?
  • Des dispositifs solides protègent-ils contre les discriminations liées à l’âge dans nos processus RH ?
  • Notre culture d’entreprise accueille-t-elle réellement et valorise-t-elle le personnel plus âgé ?
  • Nos programmes de formation sont-ils adaptés
    à des styles et parcours d’apprentissage variés ?
  • Nos avantages et politiques internes répondent-ils aux besoins spécifiques des personnes plus âgées ?

Exemples de pratiques âgistes invisibles

  • Réserver les programmes de leadership aux effectifs en dessous d’un certain âge.
  • Utiliser des algorithmes qui rejettent automatiquement les candidatures de personnes de plus de 50 ans. 
  • Imposer un âge de départ à la retraite sans évaluer les compétences réelles des individus.

3. Capacité d'adaptation

Une entreprise « age-aware » ajuste ses stratégies et ses pratiques en fonction des évolutions démographiques, en anticipant les changements du marché et de la composition de la main-d’œuvre. Ces efforts permettent aux entreprises d’être prêtes face aux mutations et d’élargir leur marché. L’essor des 50 ans et plus n’est pas un effet de mode ponctuel : selon le Boston Consulting Group (BCG), ce segment « continuera de croître en nombre et en influence dans les décennies à venir.

Questions clés à se poser

  • Analysons-nous régulièrement l’évolution des préférences de la clientèle plus âgée ?
  • Restons-nous informés sur les moyens de mieux servir une population vieillissante ?
  • Notre modèle économique est-il capable de s’adapter à cette réalité démographique ?
  • Notre stratégie à long terme prend-elle en compte les tendances démographiques futures ?
  • Les considérations liées à l’âge sont-elles intégrées dans nos processus d’innovation ?

Exemples de pratiques âgistes invisibles

  • Présumer que les personnes plus âgées refusent les nouvelles technologies.
  • Négliger les besoins de santé spécifiques du personnel et parties prenantes plus âgés.
  • Oublier d’inclure les enjeux liés à l’âge dans les mesures de sécurité numérique et de protection des données.

4. Représentation

Une entreprise « age-aware » reflète fidèlement la diversité des personnes plus âgées dans toutes ses communications, en évitant les stéréotypes et en montrant la pluralité des modes de vie, des compétences et des contributions. Selon l’AARP, parmi les adultes représentés dans les publicités en ligne, seules 15 % des personnes sont âgées de 50 ans ou plus. Mieux représenter cette diversité permet de renforcer la fidélité de la clientèle senior et d’encourager la collaboration intergénérationnelle.

Questions clés à se poser

  • Des lignes directrices existent-elles pour un langage et des visuels inclusifs vis-à-vis de l’âge dans nos communications ?
  •  La diversité d’âge est-elle équitablement représentée dans nos contenus marketing et institutionnels ?
  • Avons-nous des processus pour détecter et corriger les stéréotypes âgistes dans nos messages ?
  • La diversité d’âge est-elle visible dans nos instances de décision et de gouvernance ?
  • Sommes-nous capables de mesurer l’impact de nos efforts en matière de représentation inclusive ?

Exemples de pratiques âgistes invisibles

  • N’utiliser que de jeunes modèles dans les supports de communication.
  • Employer de l’humour dit « sans méchanceté » dans des documents internes ou externes aux dépens des personnes plus âgées.
  • Dépeindre les personnes d’un certain âge comme incompétentes ou passives face aux technologies modernes.

5. Engagement

Une entreprise « age-aware » établit des liens concrets avec les populations plus âgées dans toutes ses activités, en reconnaissant leur valeur multiple que ce soit comme clientèle, personnel ou parties prenantes. Le BCG souligne que les 50 ans et plus « disposent d’un pouvoir d’achat considérable, dépensent plus que les autres groupes pour des achats individuels, font preuve d’une forte fidélité aux marques et influencent même la clientèle plus jeune ». Étroitement liées aux dimensions d’adaptabilité et de représentation, les actions en matière d’engagement permettent d’élargir la part de marché, d’adapter l’innovation et de renforcer la réputation de l'organisation grâce à une approche véritablement inclusive.

Questions clés à se poser

  • Prenons-nous en compte les personnes plus âgées dans nos processus de développement produit ?
  •  Nos choix marketing stratégiques intègrent-ils la clientèle de 50 ans et plus ?
  •  Nos dispositifs de service client sont-ils adaptés aux besoins spécifiques des personnes plus âgées ?
  • Cherchons-nous activement à bâtir et entretenir la confiance avec cette population ?
  • Intégrons-nous les proches aidants et membres de la famille dans nos stratégies d’engagement ?

Exemples de pratiques âgistes invisibles

  • Éviter les canaux de communication destinés à un public plus âgé.
  • Minimiser ou ignorer les retours de la clientèle plus âgée.
  • Omettre les enjeux du vieillissement dans les stratégies RSE, ESG ou DEI.

Source : Lifschultz, M. (2024). Uncover the Ageism Hiding in Your Organisation. MIT Sloan Management Review.

Matthew Lifschultz est spécialiste des questions liées à l’âgisme. Basé en Californie, il est le fondateur du cabinet de conseil stratégique AGE AWARE, et a développé un cadre dédié pour aider les entreprises à identifier leurs pratiques discriminatoires liées à l’âge. Il est également co-auteur de Paths to Leadership in the Senior Living Industry  (Springer, 2021).