Le Groupe BNP Paribas a rejoint l’initiative Science-Based Targets, invitant ainsi l’ensemble de ses filiales à déployer un plan ambitieux de réduction des émissions carbone. Pour le secteur, le grand potentiel de transformation réside bien entendu dans le financement de la transition énergétique. Au Luxembourg, BGL BNP Paribas s’y attèle à travers un vaste dispositif où figure notamment le Green Desk dirigé par Anne-Sophie Dufresne. Explications. 


INTERVIEW 

Sustainability MAG : Comment l’objectif ambitieux du groupe d’aligner ses activités et investissements sur les objectifs des Accords de Paris est-il porté au Luxembourg ?

Anne-Sophie Dufresne : Le Groupe BNP Paribas s’engage pour le respect des objectifs de l’Accord de Paris, visant à maintenir le réchauffement climatique planétaire sous les 2°C à horizon 2100. Les perspectives d’une économie « bas carbone » et inclusive se développent, avec des modèles attractifs alliant performance économique et contribution sociétale.

Concrètement, BNP Paribas se mobilise pour des causes sur lesquelles le Groupe dispose de leviers forts : le financement de l’économie réelle et l’impact économique positif qui en découle, l’investissement socialement responsable (ISR) et la finance durable, l’accompagnement de la transition énergétique, le soutien aux entrepreneurs et aux jeunes, la prise en compte des besoins des écosystèmes locaux (territoires et communautés) où est présent le Groupe. Le Luxembourg étant l’un des quatre marchés domestiques du Groupe BNP Paribas, BGL BNP Paribas joue bien entendu un rôle déterminant dans le déploiement de cette stratégie.

Le Green Desk que vous avez créé fin 2016 s’intègre donc comme un élément important de ce dispositif stratégique ?

Oui, il constitue l’un des nombreux leviers de la dynamique d’accompagnement de nos clients dans le financement de la transition énergétique, notamment. Concernant les énergies renouvelables, le Groupe BNP Paribas s’est donné comme objectif en 2016 de doubler ses financements à horizon 2020, passant ainsi à 15,4 milliards d’euros. Ce cap a déjà été atteint en 2018. BGL BNP Paribas s’est investi avec enthousiasme dans l’atteinte de cet objectif et nous avons, dans ce contexte, décidé de créer le Green Desk au sein de la Banque des Entreprises pour nous en donner les moyens. Aujourd’hui, nous avons réalisé plusieurs dizaines de projets au Luxembourg.

Quels types de projets peuvent être financés par le Green Desk ?

Forte de compétences spécifiques en financement de projets de type « green », l’équipe en place accompagne les Relationship managers et les analystes dans l’étude et la structuration des financements de projets éoliens, photovoltaïques, biomasse ou hydrauliques.

Les projets étudiés sont des projets locaux, en général de petite taille, qui permettent aux équipes sur le terrain et proches de nos clients, d’étudier les éléments clés et de structurer les financements requis. L’approche que nous privilégions est réellement celle du partenariat avec nos clients. À savoir que nous échangeons sur une multitude de points tels que nos hypothèses et les leurs, les éléments sensibles et à risque du projet (technique, baux, construction, contrats, etc.) et la façon de les mitiger. Nous avons aussi la chance d‘avoir des ingénieurs du Groupe qui nous épaulent sur des benchmarks et revoient avec nous certaines hypothèses. Nous revoyons ou élaborons le business case et adaptons les financements en conséquence. La qualité et l’expérience des sponsors du projet jouent toujours un rôle important.

Nous intervenons au Luxembourg sur des projets de financement d’un minimum de 500.000 euros et allant jusqu’à 75 millions d’euros en principe. Au-delà de cette taille, nous sommes épaulés par des équipes de financement de grands projets et de syndication.

Notre volonté est d’agir en local. Nous voyons aussi une tendance naturelle de la population à vouloir participer à des coopératives destinées à la production d’énergie renouvelable. Cette tendance, nous souhaitons l’accompagner et accroître en conséquence nos financements destinés au photovoltaïque, à l’éolien, à la cogénération, aux systèmes de chauffage ou de refroidissement, aux bâtiments performants sur le plan énergétique et, sans oublier, les centrales biomasses qui permettent aux agriculteurs de transformer leurs lisiers en énergie.

Un autre domaine qui nous semble important est celui de l’accompagnement des industriels dans la modernisation de leurs installations afin de les rendre moins énergivores. Un programme ambitieux mais qui donne de l’enthousiasme, car nous sentons que tous les acteurs s’unissent pour le changement. Néanmoins, il est essentiel que cela reste économiquement intéressant pour tous, c’est un challenge.

« Les perspectives d’une économie "bas carbone" et inclusive se développent, avec des modèles attractifs alliant performance économique et contribution sociétale »

Concrètement, quels montants cela représente-t-il ?

En 2019, BGL BNP Paribas a déjà atteint son objectif de 200 millions d’euros de financements des énergies renouvelables. Nous avons en tout financé plusieurs dizaines de projets au Luxembourg, surtout dans le secteur éolien et biomasse. Notre portefeuille se compose actuellement de 38% d’éolien, 19% de biomasse, 5% de photovoltaïque et 22% d’hydraulique.

Par ailleurs, BNP Paribas s’est vu décerné le prix « Deal of the Year » par les MTN-i Awards pour son rôle d’intermédiaire bancaire et de conseiller en structuration exclusif d’un Schuldschein vert pour 250 millions d'euros en 2018 pour Encevo. Cette levée de capitaux est destinée à financer exclusivement des projets d’énergie renouvelable, de réseaux électriques intelligents, d’immobilier durable et de solutions de transports durables.

Enfin, BNP Paribas est aujourd’hui leader du marché des green bonds, marché en pleine expansion depuis l’émission du premier « Climate Awareness Bond » en 2007. Ceci est d’autant plus intéressant que le Luxembourg est lui-même leader mondial d’obligations vertes grâce au Luxembourg Green Exchange.

Vous accompagnez les initiatives sobres en ressources naturelles. Cela entraîne des changements d’optique pour vous. Par exemple le financement de l’économie circulaire doit être approché très différemment…

Oui absolument. Le sujet du financement de l’économie circulaire a été pris « à bras le corps » à travers notre activité leasing. BNP Paribas Leasing Solutions, qui propose aux professionnels des solutions locatives et de financement, a rejoint le programme Circular Economy 100 de la Fondation Ellen MacArthur. Cette initiative rassemble des entreprises, des acteurs publics et des chercheurs, pour proposer des modèles alternatifs au triptyque « extraire, fabriquer, jeter_».

Cet engagement se concrétise par exemple à travers le partenariat en cours avec 3 Step IT pour créer « BNP Paribas 3 Step IT » : une offre de service ancrée dans l’économie circulaire. Cette offre répond aux attentes des entreprises qui cherchent des solutions de financement « product-as-a-service » plus flexibles et plus responsables par le maintien en état, le reconditionnement, et la revente des équipements technologiques.

Forts de la dynamique que connait le Green Desk depuis sa création, quelle est votre ambition et vos prochaines étapes ?

Nous sommes sur le point de refixer nos objectifs à moyen terme sur la transition énergétique. Nous pensons renforcer le Green Desk et creuser de nouveaux sujets à la fois à destination des entreprises mais aussi peut-être du grand public.

Anne-Sophie Dufresne
Directrice de la Banque des entreprises et membre du Comité exécutif de BGL BNP Paribas