Thomas Le Coz : Capitaine du Sam Simon et chasseur d'images
Actualisé le 6 avril 2021
INTERVIEW
Sustainability MAG : Vous agissez au sein de l’ONG Sea Shepherd… aussi bien à la barre des navires qu’aux manettes de drones ?
Thomas Le Coz : Oui. J’ai découvert Sea Shepherd en 2010 en Australie et, depuis ma première mission en 2012-2013, j’ai participé à treize campagnes de Sea Shepherd dont dix en tant que capitaine. De l’Antarctique à la Norvège, en passant par l’Afrique de l’Ouest, la Méditerranée, le Mexique et la mer du Nord. Je me suis formé au pilotage de drones sur nos navires et, en général, je cumule les deux rôles, celui de capitaine et celui de pilote de drones. J’aime l’excitation de faire voler un drone et de réussir à capturer l’image qui, je le sais, contribuera à faire changer les choses.
« Les perspectives aériennes que les drones nous procurent nous permettent également de mieux voir ce qu’il se déroule à bord des navires de pêche et, par exemple, d’identifier la présence d’espèces protégées ou pêchées illégalement »
Dans quelles situations utilisez-vous les drones ?
Les drones sont de plus en plus performants et offrent toujours plus de possibilités. Tout d’abord, ils sont des outils pour notre équipe media afin de réaliser des vues extérieures des navires et de nos actions. Les plans obtenus grâce aux drones, auparavant uniquement possibles grâce aux hélicoptères, permettent d’enrichir les vidéos et les photos utilisées sur notre site internet et sur les réseaux sociaux. Les drones sont également des engins stratégiques, le point de vue externe qu’ils apportent sur une situation est très intéressant et aide à mieux se rendre compte de ce qu’il se passe concrètement. Les perspectives aériennes qu’ils nous procurent nous permettent également de mieux voir ce qu’il se déroule à bord des navires de pêche et, par exemple, d’identifier la présence d’espèces protégées ou pêchées illégalement. Si nous suspectons qu’un navire est entrain de pêcher, nous pouvons utiliser un drone pour aller vérifier, sans devoir s’approcher du navire.
Ils nous permettent aussi d’identifier un navire, en maintenant suffisamment de distance pour que celui-ci ne puisse pas nous identifier en retour. Pour finir, les informations que nous collectons grâce aux UVA ( Unmanned Aerial Vehicle) nous permettent de mieux comprendre les modes opératoires des pêcheurs illégaux et par conséquent, d’être plus efficaces. Cependant, il ne faut pas oublier que faire décoller ou atterrir des drones sur un bateau représente des challenges techniques importants ! Les drones disponibles sur le marché ne sont pas toujours compatibles et, les modèles semi-militaires, qui nous seraient très utiles, coûtent très cher !
Crédit : Annie Hillina, Sea Shepherd
Opération Dolphin Bycatch 2 - 2019 /
Chalutier allemand de 86 mètres de long. Ce bateau possède une pompe qui aspire des milliers de poissons et qui les envoie directement dans les cales. Il représente
la pêche industrielle qui alimente les supermarchés en poissons à bas prix, en surimis ou en farines destinées aux animaux d'élevage.
À quels endroits du monde Sea Shepherd utilise-t-il ces engins volants ?
Ce peut être tout près ! L’année dernière, en France, lors de l’opération Dolphin Bycatch, plusieurs images prises à l’aide de drones ont fait le tour du monde et ont permis d’exposer ce qu’il se passe dans le Golfe de Gascogne. La première était celle d’un dauphin mort gisant sur le pont d’un chalutier français. C’était la parfaite illustration du problème des prises « accidentelles » de dauphins. Ces images ont été reprises dans beaucoup de médias à travers le monde. Elles ont permis d’attirer l’attention sur la France et de mettre la pression sur le gouvernement. Durant cette campagne, nous avons également pu filmer la remontée de filet d’un chalutier géant (super trawler). Il n’y a pas ou très peu d’images de ces navires usines qui sont capables de remonter des tonnes de poissons à chaque coup de filet. Le point de vue aérien permet de bien se rendre compte des tailles du bateau et du filet ainsi que de la quantité de poissons attrapés dans celui-ci.
Nous avons également eu recours à cette technologie lors de la campagne au Mexique pour sauver le Vaquita. Lors de cette campagne, nous avons utilisé des drones munis de caméras thermiques pour pouvoir voir ce qu’il se passait de nuit car c’est à ce moment-là qu’a lieu la majorité de l'activité illégale. Lorsqu’une cible est repérée sur le radar du navire nous pouvons confirmer, grâce au drone, que ce bateau est bien en train de pêcher, voir même d’identifier les espèces de poissons qu’il remonte. Ces images capturées ont bien entendu fait le tour du monde et ont servi à exposer la réalité et la gravité de la situation au Mexique. Depuis, les pêcheurs ont compris que les drones représentaient une menace pour leurs activités lucratives ainsi, ils ont commencé à s’équiper de fusils pour les détruire… Plusieurs de nos drones ont été abattus en vol. Ce sont, à chaque perte, 16 000 dollars qui tombent à l’eau… Durant cette campagne au Mexique, sur une période de 4-5 mois, ce ne sont pas moins de 593 bateaux qui ont été survolés, ce qui représente 63 heures de vol et 1 243 km !
Fondée en 1977 par le capitaine Paul Watson, Sea Shepherd est une ONG totalement indépendante luttant pour la défense des océans. Dans le but de défendre et de protéger les océans et la vie marine, ses trois missions principales sont l’intervention active et non violente dans les cas d'atteintes illégales aux écosystèmes marins, la dénonciation et la sensibilisation.
Fondée en 1977 par le capitaine Paul Watson, Sea Shepherd est une ONG totalement indépendante luttant pour la défense des océans. Dans le but de défendre et de protéger les océans et la vie marine, ses trois missions principales sont l’intervention active et non violente dans les cas d'atteintes illégales aux écosystèmes marins, la dénonciation et la sensibilisation.
-Article publié le 23 novembre 2020-
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