Grâce au développement des outils numériques et à la digitalisation de nombreuses tâches, le travail connaît une évolution vers une simplification du télétravail, de la mobilité, du collaboratif et des horaires flexibles. Que du bonheur ? Ou atteint-on les limites de la connexion permanente ?



L’avènement du digital dans nos modes de travail, souvent synonyme de meilleure flexibilisation du travail, a estompé la frontière entre vies professionnelle et privée, créant le besoin de trouver un équilibre face à la tentation de l’accessibilité permanente.

Le Panorama 2018 de la Chambre des Salariés pointe du doigt « la tendance à être joignable en dehors du lieu de travail pour des raisons professionnelles ». Globalement, 18 % des participants indiquent être « (presque) toujours » sollicités, seulement 26% de la population active n’est pas concernée. Si les nouvelles générations des digital natives semblent globalement plus conscientes de la nécessité de concilier sphères privée et professionnelle – un besoin considéré plus important que l’évolution de carrière selon plusieurs sondages –, de nombreux salariés expriment des difficultés à faire face à la multiplication des outils de communication et aux sollicitations multiples. Selon un sondage Ifop conduit à l’été 2017 en France, 78% des cadres consultent leurs emails et sms professionnels pendant leur temps libre. Au Luxembourg, selon le Quality of Work Index 2017, 32 % des salariés estiment devoir être joignables en dehors des heures de travail. Face à cet impératif d’hyper disponibilité, le droit à la déconnexion commence à être timidement invoqué.

Une nécessaire proactivité des entreprises

Ce droit à la déconnexion répond à un enjeu de santé publique car il vise à lutter contre les effets pervers de l’hyperconnexion tels que le stress, la fatigue, le manque de récupération et, in fine, le burnout.

Pourtant il n’est pas explicitement réclamé par les salariés. En effet, à une époque de la valorisation du court terme, de l’immédiateté et de la réactivité, beaucoup craignent une marginalisation ou une mauvaise réputation parmi les collègues et vis-à-vis des clients s’ils ne jouent pas le jeu de la connexion permanente.

La question du droit à la déconnexion s’impose clairement à l’agenda des stratégies RSE, portant l’entreprise en acteur responsable qui permet de prévenir les risques, de définir une meilleure frontière entre la vie privée et la vie professionnelle et de se mettre en conformité juridique face aux plaintes pour non-respect des heures de repos, d’heures supplémentaires non payées voire de harcèlement.

La formalisation légale, une arme efficace ?

En France, suite aux recommandations du rapport de Bruno Mettling, DRH d’Orange, sur l’impact du numérique, le droit à la déconnexion a été intégré au droit de travail et est entré en vigueur en janvier 2017. Cette loi prévoit pour les entreprises de plus de 50 salariés de négocier avec les représentants syndicaux un accord portant sur les pratiques à adopter en matière de droit à la déconnexion. En absence d’accord, l’entreprise est tenue d’établir une charte de bonnes pratiques voire un code de conduite.

Cette loi non contraignante peut-être utile en cas d’abus et pose la France en précurseur dans la formalisation légale de ce droit à la déconnexion, poussant d’autres pays à thématiser ce sujet. Dans cette dynamique, le LCGB s’est emparé de la question au Luxembourg et a appelé le Ministre du Travail à prendre en considération l’intégration du droit à la déconnexion dans le droit de travail.

La mise en place d’un droit à la déconnexion peut s’avérer difficile. Malgré la reconnaissance officielle de ce droit en France, seuls 21% des cadres déclarent que leur entreprise a mis en place des actions concrètes, selon Ifop. A l’inverse, en Allemagne bon nombre d’entreprises appliquent concrètement le droit à la déconnexion sans formalisation légale. L’approche légale n’est donc pas l’unique facteur de réussite d’un recours modéré aux outils numériques.

L’organisation du travail en question

Pour aboutir à une réelle déconnexion, c’est à l’organisation du travail même et aux pratiques au quotidien qu’il convient de s’attaquer. Le lâcher-prise face à la tentation de l’immédiateté est une responsabilité partagée par tous au sein de l’entreprise, à commencer par les managers et leur rôle d’exemplarité en n’envoyant pas de messages en dehors des heures de bureau, sauf éventuellement en cas d’urgence réelle. D’ailleurs, au-delà du droit à la déconnexion, d’aucuns réclament afin d’impulser un réel changement au sein du top management, d’envisager un devoir de déconnexion. Ceci suppose également des clients soucieux de ne plus exercer de pression excessive sur l’entreprise mais aussi des salariés ne culpabilisant plus de ne pas être joignables pendant leur temps libre, et développant un rapport serein aux stimuli digitaux. Mais au-delà de la sphère professionnelle, cette pression de la connectivité et de l’immédiateté dépasse le simple cadre du travail et se pose également plus largement en question de société.

7 façons de mettre en place un droit à la déconnexion

1. Intégrer des messages déculpabilisants en bas des mails du type « Mon e-mail n’appelle pas de réponse immédiate ».

2. Supprimer la fonction « répondre à tous » pour lutter contre l’inflation exponentielle et contre-productive des e-mails. En octobre 2015, le « répondre à tous » aurait créé en quelques heures plus de 38 millions d'e-mails lors d’un échange au sein du groupe Atos.

3. Limiter, comme chez Renault, les e-mails internes en instaurant des messageries alternatives ou en mettant en place un délai de réponse suivant les demandes, qui permet de sortir du sentiment d’urgence.

4. Prévoir des moments de silence sans mail : le groupe Intel a incité 300 salariés à couper e-mails et téléphone le mardi matin.

5. Reconnaître le travail à la maison : BMW permet à ses salariés d’inscrire eux-mêmes leurs heures effectuées en dehors du bureau à gérer les e-mails, par exemple sur leur compte épargne-temps, via intranet. Ils peuvent également définir avec leur supérieur des temps où ils sont joignables et injoignables.

6. Mettre en vacances les boîtes e-mails : Daimler a développé le programme « Mail on Holiday » pour les salariés qui choisissent l’effacement automatique des messages reçus durant les congés pour alléger leur boîte e-mail à leur retour. L’expéditeur est informé de l’absence du salarié, de l’effacement de son courriel et de l’adresse d’un autre salarié qui pourra répondre à sa demande.

7. Bloquer les serveurs le soir et le weekend : Volkswagen a commencé par bloquer les serveurs de 18h à 7h et le weekend pour 1 000 salariés en 2011. Aujourd’hui 3 000 salariés ne peuvent plus recevoir d'e-mails professionnels sur leur smartphone en dehors des heures de bureau.


7 façons de mettre en place un droit à la déconnexion

1. Intégrer des messages déculpabilisants en bas des mails du type « Mon e-mail n’appelle pas de réponse immédiate ».

2. Supprimer la fonction « répondre à tous » pour lutter contre l’inflation exponentielle et contre-productive des e-mails. En octobre 2015, le « répondre à tous » aurait créé en quelques heures plus de 38 millions d'e-mails lors d’un échange au sein du groupe Atos.

3. Limiter, comme chez Renault, les e-mails internes en instaurant des messageries alternatives ou en mettant en place un délai de réponse suivant les demandes, qui permet de sortir du sentiment d’urgence.

4. Prévoir des moments de silence sans mail : le groupe Intel a incité 300 salariés à couper e-mails et téléphone le mardi matin.

5. Reconnaître le travail à la maison : BMW permet à ses salariés d’inscrire eux-mêmes leurs heures effectuées en dehors du bureau à gérer les e-mails, par exemple sur leur compte épargne-temps, via intranet. Ils peuvent également définir avec leur supérieur des temps où ils sont joignables et injoignables.

6. Mettre en vacances les boîtes e-mails : Daimler a développé le programme « Mail on Holiday » pour les salariés qui choisissent l’effacement automatique des messages reçus durant les congés pour alléger leur boîte e-mail à leur retour. L’expéditeur est informé de l’absence du salarié, de l’effacement de son courriel et de l’adresse d’un autre salarié qui pourra répondre à sa demande.

7. Bloquer les serveurs le soir et le weekend : Volkswagen a commencé par bloquer les serveurs de 18h à 7h et le weekend pour 1 000 salariés en 2011. Aujourd’hui 3 000 salariés ne peuvent plus recevoir d'e-mails professionnels sur leur smartphone en dehors des heures de bureau.


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