On vous emmène dans le désert pour vous parler oasis...


Perchée au sommet d'un plateau dominant la vallée du M’zab, aux portes du Sahara algérien, Ksar Tafilelt a su, depuis près de 20 ans, allier traditions et développement durable pour bâtir une cité résiliente et proposer un nouveau modèle de vie en communauté . Là, entre les murs ocres et blancs d’un lieu de vie écoconçu, les habitants s’affairent à préserver leur bien commun. Cette approche a été récompensée par le premier prix de la ville durable lors de la COP22 en 2016, puis récemment par le Energy Globe National Award. Elle nous montre que même en plein désert, vivre en harmonie avec la nature est possible !



Photo : Ksar Tafilelt

Un rêve devenu réalité

Beni-isguen, 1997. La fondation Amidoul est créée par Ahmed Nouh, un docteur en pharmacie retraité. Elle acquiert très tôt un terrain vierge de 22 hectares, puis débute la promotion de son programme la même année. L’objectif : proposer aux populations les plus touchées par la crise du logement (personnes vivant sous le seuil de pauvreté, jeunes, femmes avec des enfants ou des parents à charge) des prêts à taux zéro pour l'achat d’un terrain, d’une maison. Le pari est rapidement remporté. Après des premières allocations de logements dès 2000, Ksar Tafilelt compte aujourd’hui plus de 6000 habitants. Un millier de maisons s’y dressent, réparties en îlots de 28 à 30 bâtiments. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Cette nouvelle cité propose en effet un modèle environnemental et de vie en communauté responsable.

SUSTAIN_Mag12_  WIP _ 201221 .indd                                                                                        

Une cité éco-conçue

La cité s’inspire également des principes de l’architecture ksourienne. Adaptée au climat désertique, elle se distingue grâce à des procédés architecturaux bien distincts : des rues étroites et sinueuses pour protéger du soleil et entraver les vents de sable sahariens, ou encore des bâtiments faits de pierre, plâtre et chaux, qui sont des meilleurs isolants thermiques et phoniques que le béton, en plus d’être plus durables et moins coûteux ! Partout, les maisons sont de couleur naturelle ocre ou blanche et ne font pas plus d’un étage de haut afin de ne pas cacher la lumière du soleil aux voisins. Les habitations sont également ornementées de fenêtres barrées par des moucharabieh, de petites cloisons ajourées permettant une ventilation naturelle forcée et assurant donc une fraîcheur à l'intérieur des bâtiments. Ajoutez à cela qu’à Ksar Tafilelt, 50 % des eaux usées sont réutilisées, notamment grâce au système de traitement des eaux de la ville. Les réflexions sont actuellement engagées autour de la construction de stations d’épuration des eaux usées et d’énergie solaire afin d’optimiser l’aménagement de la cité et d’innover en matière de développement durable.

Des responsabilités partagées

Au-delà d’une réponse sociale à la crise du logement qui frappe le pays depuis presque dix ans, on trouve, au coeur de ce projet, un retour aux valeurs ancestrales d'entraide et de solidarité prônées par le rite ibadite (un courant minoritaire de l'islam, surtout présent à Oman et dans certaines villes nord-africaines) auquel adhèrent majoritairement les habitants de la vallée du M’zab, les Mozabites. Le travail, ou touiza, qui comprend notamment des travaux collaboratifs comme la construction de bâtiments communs ou la propreté de la ville, est perçu, au même titre que l’entraide et la solidarité, comme un devoir.

La gestion d’une telle ville nécessite d’instaurer des règles et codes de conduite. Chaque personne qui choisit de vivre à Ksar Tafilelt signe une charte dès son arrivée dans la ville. Cette dernière statue des règles de bonne conduite, du vivre-ensemble, de propreté, d’entraide et bien plus encore, le tout, de manière durable. Ici, rien n’est laissé au hasard !

Ainsi, chaque habitant doit participer à l’entretien d’une forêt en suivant les règles de l’agriculture biologique. Adieu les engrais chimiques et autres pesticides ! Bien qu’il ait fallu près de trois ans pour réussir à faire pousser la moindre chose sur le site, notamment à cause de la mauvaise qualité du sol, chaque ménage est responsable de planter trois arbres dans cette forêt : un palmier, un arbre d’ornement et un arbre fruitier afin de soutenir l’écosystème local. La cité est également dotée d’un parc animalier, où chèvres, moutons et singes sont nourris en partie grâce aux déchets alimentaires apportés par les habitants. À tour de rôle, les familles de chaque îlot doivent aussi s’occuper de la propreté des rues.

Les efforts de la Fondation Amidoul ne s'arrêtent pas là et les actions de sensibilisation se multiplient. Elles prévoient, par exemple, la construction d’un parc de verdure pédagogique, le Tafilelt Parc, dans la zone rocailleuse avoisinant la cité. Offrir plus d’espaces verts aux habitants et les inviter à se questionner sur leur environnement, créer et entretenir un réflexe écologique à travers des formations et ateliers spécifiques... Voici quelques-unes des missions de ce nouvel espace, au service des habitants et de leur environnement.

Photo : Ksar Tafilelt

Afin de soutenir la biodiversité locale, chaque ménage doit planter trois arbres: un palmier, un arbre d'ornement et un fruitier.

... Pour bâtir la société de demain

La fondation Amidoul a, à travers ce projet, su répondre aux nombreuses problématiques immédiates et futures de la cité. Le projet Ksar Tafilelt aura permis, entre autres, de réduire le prix des habitations d’un tiers de leur coût réel, offrant donc de nouvelles perspectives et possibilités aux familles plus démunies. Il aura également apporté une meilleure compréhension aux habitants de leur milieu de vie, et de la nécessité d’un développement urbain durable et intégré, un aspect trop souvent négligé.

Le défi semble donc relevé pour la Fondation Amidoul. Si Ksar Tafilelt a su composer avec l'hostilité de son environnement pour bâtir une société durable, respectueuse de la nature et de son prochain, la preuve n’est-elle pas faite que des modèles responsables peuvent être développés sous nos climats plus cléments ?