Crédit: De Wolven PR

Plus  de  6  000  entreprises  représentant  pas  moins  d’un  demi-million  de  salariés arborent aujourd’hui  le blason  tant  convoité  à  la  lettre  B.  B  comme  B  Corp.  Dans la  vaste  jungle  des  labels et certifications, ce mouvement pas comme les autres semble tirer son épingle du jeu. Créé  en  Outre-Atlantique  par  trois  entrepreneurs  en 2007,  il connait  un  réel  boom  au  cours  des dernières années avec une présence dans un peu plus de 85 pays et 150 industries. Ayant récemment  dépassé  la  barre  des  1  000 entreprises en  Europe  comme  au  Royaume-Uni,  la  certification  peut  se  targuer  de compter  parmi  ses  rangs  des  entreprises  à  la  réputation  dorée tel Patagonia, Too Good to Go, Fairphone, Danone ou encore les thés Pukka. Après une montée en puissance aux Pays-Bas et en Belgique, le Luxembourg est identifié comme l’un des pays prometteurs pour une économie inclusive, équitable et régénérative portée par la vision B Corp. Alors, que se cache derrière la promesse «Business for Good » ? Tour du B.

Le « B » à la base

En se penchant sur le mouvement B Corp et sa raison d'être, plusieurs clés apparaissent pour comprendre son essor. La première : le constat que notre système économique actuel, dont les entreprises sont l'un des principaux moteurs, engendre d'importantes répercussions négatives à travers le globe, et ce sur l'ensemble des aspects qui composent une société. Impacts climatiques et écosystémiques critiques et irréversibles, droits humains ignorés et bafoués, ressources surexploitées et gaspillées... Tous les éléments semblent rassemblés pour la composition parfaite d'un scénario catastrophe. B Corp croit en un récit résolument différent : celui d'un futur bénéfique pour tous les êtres humains et pour la planète, construit grâce à une économie plus inclusive, équitable et régénérative. Une vision qui pourrait être qualifiée d'utopique, voire irréaliste. Et pourtant. Au fil des années, de plus en plus de décisionnaires choisissent d'embarquer leur entreprise dans ce mouvement qu'ils bâtissent en une communauté forte et militante.

La seconde clé, celle de l’activation du mouvement, repose sur la « théorie du changement » de B Corp. L’idée ? Passer d’une valeur créée pour les actionnaires de façon exclusive, à court-terme et de façon extractive à une création de valeur inclusive,  à  long-terme  et  opérée de façon régénérative pour l'ensemble des parties prenantes. Cette façon nouvelle d'aborder la finalité d'une entreprise suppose une redéfinition de la raison d'être que chaque organisation souhaitant être certifiée doit intégrer jusqu'au coeur de ses statuts légaux. B Corp appelle à l'engagement en reconnaissant ainsi, au-delà de la limitation des externalités négatives d'une firme, son influence décisive à créer de l'impact positif pour le bien commun. 

Mais plus encore. Si B Corp veille au comportement des entreprises et à leur impact sur les parties prenantes, l'ambition de changement va au-delà. Il s'agit d'être catalyseur d'un changement systémique : l'action se situe donc également à deux autres niveaux en amont. D'une part, B Corp entend profondément influer sur les normes du secteur privé et les attentes culturelles, à savoir redéfinir la perception générale du rôle des entreprises dans la société. D'autre part, l'objectif est d'influencer l'adoption des politiques et cadres légaux qui régissent les affaires. À ce titre, bien plus qu'une certification, B Corp est un mouvement à haute ambition sociale.  

Crédit: B Lab Spain

Campagne pour la reconnaissance du statut légal d'entreprise à mission en Espagne.

Les bienfaits du « B » en action

Des paroles aux actes, de nombreuses B Corp à travers le monde agissent de façon engagée pour concrétiser la théorie du changement, à l’échelle de leur entreprise comme à un niveau plus large.

En novembre 2022, la brasserie Brussels Beer Project, ayant initialement lancé son entreprise avec le rêve de faire voyager les consommateurs et leurs produits le plus loin possible, annonce stopper l’ensemble de ses activités d’exportation hors Europe avec un nouveau souhait : celui de vendre le plus près possible. La Brasserie Léopold également basée en Belgique ne vend quant à elle aucune bouteille au-delà de la France dans un souci de limitation de l’empreinte carbone de ses produits.

Autre exemple de plus grande envergure, un peu plus tôt dans l’année, le fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard décide de léguer son entreprise à Dame Nature avec 100% du capital de l’entreprise et de ses droits de vote transmis à des structures chargées de protéger la planète. Dans la foulée, l’entreprise ouvre également, en partenariat avec Makers Unite, un « Repair Centre » pour tous types de vêtements et autres articles outdoor à Amsterdam. Leur objectif : un million de kilos de déchets textiles évités.

B Corp, c’est aussi l’action collective. Du côté de l’Espagne, sous l’impulsion du cabinet d’étude Gabeiras y asociados, Danone et l’agence de relations publiques Harmon, le mouvement B Corp s’engage pour une campagne publique visant à la reconnaissance légale du statut d’entreprise à mission. Deux ans et 30 000 signatures plus tard, l’initiative est un succès.

Ces quelques exemples illustrent la philosophie qui rassemble les entreprises sous le « B » : l’ambition d’être les meilleurs pour le monde plutôt qu’au monde. Pour ce faire, plusieurs ingrédients sont à rassembler, notamment, créer un effet d’entraînement et de communauté. Pour concrétiser cela, de nombreuses entreprises B Corp établissent des partenariats, créent des groupes de travail ou des coalitions. Ensemble, elles partagent leurs bonnes pratiques et leurs questionnements, se challengent et s’engagent sur des sujets variés allant de la gestion des ressources humaines aux revendications à émettre d’une voix commune lors des COPs. 

Crédits: B Lab Spain

Sur la scène de la COP25, des représentants d'entreprises certifiées B Corp engagées à atteindre l'objectif "Net Zéro" d'ici 2030.

Engouement et défis pour un passage à l’échelle

De 2020 à 2022, le nombre d’entreprises certifiées B Corp en Europe a doublé pour arriver à plus de 1 100 « Businesses for good ». Cette vague d’entreprises décidant de s’engager dans une démarche d’obtention pourtant exigeante et couvrant l’ensemble des champs d’influence serait-elle le point de départ d’une réelle prise de conscience et transition pour les entreprises du vieux continent ?
Pour certains dirigeants d’entreprises certifiées, comme Carlo Hein, fondateur de la cidrerie luxembourgeoise Ramborn, l’explication est claire : « Avant le covid, au cours des dix dernières années, la plupart des entreprises en Europe n’avaient pas réellement subi de difficultés majeures, tout particulièrement au Luxembourg. Elles n'avaient pas spécialement besoin de questionner leurs modèles. Aujourd’hui, les choses sont différentes et les pressions multiples. Les entreprises sont face à un choix clair : se transformer pour être plus durables ou être destinées à périr. Le modèle B Corp répond aux besoins de transformation en guidant les entreprises vers les bonnes questions et en offrant une communauté de personnes partageant les mêmes valeurs prêtes à se challenger et s’entre-aider ».

Le mouvement B Corp semble ainsi avoir le vent en poupe et de beaux jours devant lui. Combien de B Corp pourrons-nous compter en Europe et au Luxembourg dans cinq ans ou dix ans ? Ce qui relevait de l’exception sera-t-il demain la norme ? Ce changement d’échelle qui semble se profiler présente cependant de nombreux défis, en tête desquels la crédibilité de la certification.

Pour maintenir un haut niveau d’exigence, B Lab, l’ONG derrière B Corp a initié une révision sans précédent de ses standards de certification afin de s’assurer d’être dans un processus d’amélioration continue et au plus près des défis actuels. Mais, une communauté qui grandit annonce également plus de risques de turbulences. En juin 2022, l’entreprise Dopper aux gourdes populaires, première B Corp au Benelux et comptant parmi les membres prestigieux du top 10 mondial des B Corp les mieux notées dans le monde, lance une campagne à l’encontre d’Evian et de Spadel, deux nouvelles entreprises ayant rejoint le mouvement. Dans le viseur de cette campagne : la production de plastiques à usage unique à l’échelle globale et les répercussions directes engendrées sur l’environnement.

Source: B Lab Europe

Croissance de la communauté européenne des B Corp au fil des ans.

Ce secteur sensible figure dans la liste des sujets par le radar de B Lab qui entend s’assurer de protéger la vision et la communauté B Corp tout en grandissant. De nombreuses autres industries s’ajoutent à cette liste et sont étudiées pour statuer sur leur éligibilité à la certification et sous quelles conditions. Parmi elles : le secteur pharmaceutique, les énergies fossiles, les marchés financiers, les prestataires d’enseignement supérieur à but lucratif, les jeux d’argent, les zoos et parcs animaliers, ... Globalement, pour l’ensemble de ces secteurs, B Lab explique qu’il existe une tension naturelle entre la tendance à exclure ces entreprises et le potentiel de transformer la culture, le comportement et l'impact de ces industries. Dans le concret, B Lab et ses parties prenantes publient des déclarations de position et adoptent, le cas échéant, des standards et processus d’analyse plus poussés pour s’assurer de distinguer les bons des mauvais acteurs en se reposant sur des normes rigoureuses de performance sociale et environnementale, de responsabilité légale et de transparence publique.

Source: B Lab Europe

Dans le cadre des nouveaux standards B Corp qui prendront place en 2024, dix thèmes fondamentaux sont actuellement mis en avant. Pour chacun d’entre eux, des critères spécifiques devront être respectés afin d’obtenir la certification. Ces exigences devraient remplacer à terme l'approche actuelle plus modulaire, liée à l'obtention d'un score de 80 points sur base de 5 piliers d’influence des entreprises sur leurs parties prenantes (employés, clients, environnement, communauté et gouvernance). (Credit: B Lab Global)

L’obtention de la certification convoitée par le géant Nespresso a fait couler beaucoup d’encre et soulever beaucoup de sourcils. Face à la controverse, B Lab évoque, ici aussi, un processus rigoureux, une démarche transparente et le besoin de reconnaître que, bien que les entreprises obtenant les certifications répondent à des standards hautement exigeants, cela ne signifie pas qu’elles sont parfaites. Tout le but de la démarche est de continuer à s’améliorer, se transformer et relever les défis notamment avec un processus de re-certification tous les trois ans.

Justement, serait-ce le signe encourageant de la force incitative de ce mouvement ? Nespresso vient d’annoncer le lancement de capsules compostables. Au bout du compte, B Lab le rappelle, il est essentiel que les grandes entreprises et multinationales soient inclues dans la démarche afin d’assurer un passage à l’échelle vers une économie et une société durable.

B Corp au Luxembourg


  • 5 Entreprises ayant leur siège à Luxembourg sont certifiées B Corp
    INNPACT, FARAD GROUP, RAMBORN, A BEAUTIFUL GREEN, GO TO FREEDOM
  • 5 Entreprises sont en cours de certification
  • 78 Entreprises B Corp sont actives au Luxembourg, avec leur siège à l'étranger
  • > 200 Plus de 200 entreprises au Luxembourg ont déjà passé l'auto-évaluation proposée gratuitement par l'outil en ligne du B Impact Assessment 
  • 18 B leaders sur le territoire peuvent accompagner les entreprises qui souhaitent demander la certification


B Corp au Luxembourg


  • 5 Entreprises ayant leur siège à Luxembourg sont certifiées B Corp
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