Illustration : Aurélien Mayer

Une tendance peut en cacher une autre, c’est bien connu. De la tentation du washing à l’écueil plus récent mais bien réel du bashing, les arguments à résonnance sociétale occupent toute l’attention des communicants. Un fait peu étonnant, car la promotion corporate des engagements vertueux est un exercice d’équilibriste à haut risque que nous proposons ici de décortiquer !



À l’ère du tout numérique, notre perception de la vérité est constamment malmenée par la prolifération d’informations. Chaque jour apporte son lot de fake news, rumeurs et théories du complot avec à la clé un scepticisme grandissant et des indicateurs de confiance en berne envers les médias, les politiques ou les entreprises.

Selon le baromètre Edelman Trust en 2019, seulement 51 % de la population mondiale accordait sa confiance aux entreprises, un score tout de même supérieur à celui des médias et gouvernants avec 43 % ! La crise de la Covid n’améliorera sûrement pas le constat et semble même avoir tendance à aiguiser la méfiance à l’égard du système économique actuel, mondialisation in primis.

Face à une opinion toujours plus sceptique, assurer crédibilité sociale et écologique s’avère être une opération nécessaire pour les entreprises. D'ailleurs, 73 % des consommateurs mondiaux pensent que les entreprises peuvent augmenter leurs profits tout en améliorant les conditions sociales et économiques des communautés où elles opèrent. Ils considèrent désormais que les entreprises doivent prendre des positions explicites sur les sujets sociétaux et tenir leurs engagements.

Pour résumer trivialement la posture client, il ne faut plus leur en promettre. Aujourd’hui, toujours selon le baromètre Edelman Trust, 67 % des consommateurs mondiaux s’accordent sur le fait qu’ « une bonne réputation peut leur faire essayer un produit, mais sans confiance envers l’entreprise derrière le produit, ils arrêteront rapidement de l’acheter ».

Valoriser ses engagements devient un sujet délicat et très complexe pour l’entreprise

Si cette tendance se vérifie pour toutes les tranches de population, les attentes sont encore plus fortes chez les plus jeunes. Les nouvelles générations ont un regard averti sur les techniques marketing et se montrent moins sensibles aux approches commerciales classiques. Leurs décisions sont avant tout guidées par l’authenticité et la transparence ; elles tiennent ainsi logiquement les entreprises pour responsables de la cohérence entre leurs paroles et leurs actes. N’oublions pas en effet que les millennials, chefs de file de ces tendances globales, représentent aujourd’hui 50 % de la population active mondiale et pas moins de 75 % en 2025.

Valoriser ses engagements devient donc un sujet délicat et complexe pour l’entreprise. En effet, les écueils sont nombreux sur la route vertueuse de l’hyper-transparence, Graal des entreprises et nouvelle exigence des citoyens-consommateurs. Pour rester dans la course, la tentation de suivre la tendance et d’adapter sans cesse le message et le positionnement est grande. « Surfer sur la vague » des préoccupations sociétales peut être un déclencheur pour quelques entreprises qui saisissent une opportunité d’évoluer, mais d’autres utilisent simplement l’image positive véhiculée par ces concepts sans faire de réels efforts en interne. Le résultat peut être dévastateur, avec des possibles « effets boomerang », et d’une manière générale, ces pratiques menacent les efforts réels déployés par les entreprises les plus engagées dans des démarches responsables. 

Bienvenue dans le monde trouble du « washing », terme générique utilisé pour qualifier les dérives multiformes de la communication corporate. Que cela soit le « greenwashing » bien connu, le « woke-washing » (faux réveil sociétal), le « good-washing » (promotion erronée du bien-être commun) ou encore le « purpose-washing » (fausse raison d’être), le washing pointe les incohérences entre communications et actions, notamment lorsque les valeurs d’une organisation sont mises en avant de manière à embellir la réalité pour vendre plus. Le washing est alors le cache-misère d’un management défaillant visant à « habiller » le bilan et les résultats d’une entreprise en fonction de besoins stratégiques.

Mais attention, la tolérance du public n’est plus ce qu’elle était et la capacité de décryptage des asymétries entre discours et exécution va grandissante. Le retour de manivelle peut être violent face à un activisme en ligne réactif et une viralité qui risque rapidement de tourner à la polémique. Prendre le contrepied et s’intéresser aux pratiques du washing peut être riche d’enseignements pour répondre à cette question complexe : comment crédibiliser les engagements sociétaux des acteurs économiques, au delà de l’effet de levier marketing et des effets d’annonce ?

Dernier né et nouveau point de vigilance, le solidarity washing

La crise de la COVID-19 a provoqué une rupture de nos modes de vie ainsi que de grands élans de solidarité. Un bouleversement suffisamment profond pour bousculer la hiérarchisation des besoins, mise en évidence dans la pyramide de Maslow. Notre rapport à l’essentiel est remis en question: les besoins physiologiques ou de sécurité ne sont désormais plus considérés comme acquis, notre attention prioritaire revient ainsi vers le bas de la pyramide (voir figure). La tentation pour certains acteurs économiques d’adapter leur communication face à ces changements peut être grande. Mais attention, utiliser les mots magiques « solidarité » et « entraide » tout azimut au nom de la crise sanitaire peut faire basculer l’élan philanthropique dans le solidarity-Washing ou « Covid-washing », simple enfumage promotionnel opportuniste.

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