Le recyclage est largement perçu comme le remède de prédilection pour lutter contre la pollution de nos emballages. En somme, il s'agit d'inscrire leur production dans une boucle parfaite, où les matériaux seraient réutilisés à l'envi et où aucune extraction de matières premières ne serait nécessaire. L'idée est séduisante car elle ne remet pas en question nos modes de consommation, mais insuffisante dans les faits.
Choisir le tri, c’est privilégier le recyclage. Et dans nombre de cas, le recyclage est associé à une démarche environnementale vertueuse. Dans le tout nouveau panorama du développement durable en entreprise publié par IMS (voir notre article page 107), c’est le tri et le recyclage des déchets qui s’imposent à plus de 78 % dans les actions de préservation de l’environnement. Ces actions concentrent encore aujourd’hui l’essentiel des efforts. Dans une économie classique, et encore principalement linéaire, c’est en effet seulement après l’usage d’un équipement ou d’un produit que se pose la question son devenir.
Le recyclage, c’est la réintroduction directe d’un déchet dans le cycle de production, en remplacement total ou partiel d’une matière première neuve. Toutes choses égales par ailleurs - à savoir dans un monde sans croissance et sans augmentation de population -,
un kilogramme de matière recyclée permettrait l’économie d’un kilogramme de matière « neuve ». La théorie serait donc parfaite du point de vue de la consommation des ressources. Cependant, il y a un écart entre la théorie et la pratique car la mise en œuvre peine à suivre les besoins, et rappelons-le, le recyclage n’est pas neutre d’un point de vue environnemental, il est notamment consommateur d’énergie et d’eau.
Une cadence difficile à suivre
L’exemple des emballages ménagers illustre clairement l’impasse que représente aujourd’hui le recyclage. Il s’agit des emballages des produits consommés par les ménages à domicile, et hors de leur domicile.
La directive européenne encadrant les emballages et les déchets d’emballage datant de 1994 est un texte important car il marque l’introduction d’une notion essentielle :
« Tout responsable d’emballages est soumis à l’obligation de reprise ». Ainsi naissent le principe de la Responsabilité Elargie du Producteur - REP et la collecte sélective dans les foyers européens : sacs bleus, ou jaunes, selon les pays... La déclaration revenant au producteur contient des informations clés permettant de chiffrer ces déchets et d’analyser les évolutions : le poids total des emballages par matière (verre, papier/carton, plastique, métal...) et le nombre d’unités de vente. Au Luxembourg, la directive européenne a été appliquée en octobre 1998. Valorlux, créé dés 1995, et agréé par le Ministère de l'Environnement, du Climat et du Développement durable est chargé de ce sujet, depuis la déclaration de mise sur le marché des emballages, jusqu’à leur élimination finale.
Si les performances de tri sont en progression - passées, au Grand-Duché, de 66 % en 2010 à 71,5 % en 2019 - elles ne compensent pas les quantités toujours plus importantes et variées des emballages mises sur le marché. Les chiffres sont éloquents : en moins de 30 ans, 113 % d’emballages supplémentaires, pour atteindre plus de 83 000 tonnes ! Le développement massif de nouveaux modes de consommation est avancé comme explication principale : emballages individuels, usage unique et consommation nomade. On recycle donc plus et mieux, mais on ne parvient pas à suivre la cadence !
Une stratégie basée uniquement sur le recyclage des emballages est une impasse à plusieurs titres. Elle suppose, comme nous venons de le voir, une augmentation des capacités de tri et de recyclage des installations en place. Elle requiert également toujours plus de consommation d’énergie pour la collecte et le recyclage. Et surtout, une partie importante des emballages reste aujourd’hui non recyclable et ceux-ci finissent donc exportés, incinérés ou enfouis.
Le plastique, la matière qui fâche
Toutes les matières utilisées dans les emballages n’engendrent pas les mêmes problématiques. Le verre, l’aluminium ou encore le carton, sont assez bien triés. Par exemple, au Luxembourg, les taux de recyclage du métal ou du papier et carton excèdent les 80 %.
Sur les 83 145 tonnes d’emballages toutes matières confondues mises sur le marché, c’est 59 229 tonnes qui ont fait l’objet d’un recyclage, soit 71%.
Depuis de très nombreuses années, les préoccupations sont toujours et bien malheureusement les mêmes : le plastique est le mauvais élève du recyclage. Comme le souligne le rapport « Waste generated and treated in Europe 1990-2001 » (Déchets produits et traités en Europe 1990-2001), « une part relativement importante des emballages en papier et en verre produits est collectée pour être recyclée. À l'exception de la Suisse, lorsque les données sont disponibles, on constate que la situation n'est pas aussi bonne pour les emballages en plastique. »
Le constat est généralisé à l’ensemble des pays de l’Union européenne. Le récent graphique ci-contre illustre notre difficulté à recycler cette matière, avec une courbe de déchets d’emballages plastiques générés en hausse et une courbe de recyclage quasi stagnante. Le retard se creuse donc.
Évolution des déchets d'emballages plastiques produits et recyclés dans l'Union européenne, entre 2009 et 2019.
En 2019, chaque habitant de l’Union européenne a généré en moyenne 34,40 kilos de déchets d'emballages plastiques, dont seulement 41 % ont été recyclés selon Eurostat. Les chiffres au niveau international sont édifiants : la production mondiale de plastique, tout usage confondu, est passée de 1,5 millions de tonnes en 1950 à 359 millions de tonnes en 2018. L’Asie représente à elle seule51 % de ces tonnages contre 16% pour l’Europe. Ce n’est donc pas un hasard si cette matière concentre aujourd’hui une large partie de l’attention.
Un méli mélo de matières
Pourquoi le recyclage des plastiques est-il si bas ? L’explication est assez simple : les plastiques restent difficiles à recycler car ils sont complexes. Le pétrole, une mono matière, qui est à l’origine des matières plastiques, fait l’objet de très nombreuses transformations avant de devenir matière plastique. Ces procédés de pétrochimie, mettant en œuvre une énergie considérable, génèrent une multitude de sous-matières plastiques, appelées polymères. La liste est longue : plus de 90 ! Pour les emballages plastiques, il en existe sept, souvent symbolisés sur les produits par le ruban de Möbius - symbole du recyclage, complété d’un chiffre.
Les bouteilles plastiques sont généralement en PET - polyéthylène téréphtalate, les contenants alimentaires comme les pots de yaourt sont souvent fabriqués en PS - polystyrène.
La véritable impasse du recyclage des déchets d’emballage plastique vient de cette multiplicité car, règle d’or du recyclage, les matières et sous-matières ne se mélangent pas entre elles ! Il est important de savoir qu’une matière plastique recyclée ne doit contenir qu’un seul polymère pour pouvoir être utilisée à nouveau. Une bouteille en plastique recyclée, ne contient que du PET recyclé par exemple.
Nous imaginons sans difficulté l’immense défi posé à la société humaine : comment bien trier toutes ces matières plastiques dont le commun des mortels ignore tout ? C’est difficile. Pour y répondre, le législateur européen a choisi la voie de l’obligation et de l’interdiction. Chaque pays de l’UE se positionne sur de nouvelles stratégies, comme au Grand-Duché la loi « Null Offall Lëtzebuerg ». Les obligations sont principalement liées à l’introduction dans un emballage d’une part plus importante de matières recyclées.
Types d'emballages plastiques.
Un emballage 100 % recyclé est déjà une réalité pour des entreprises actives en matière environnementale, par exemple la marque allemande Rainett. Aussi, l’interdiction récente des produits plastiques à usage unique conduit souvent à l’apparition de matières de substitution, notamment issues de renouvelables comme le papier et le carton. Il n’est pas rare désormais de voir des fruits et légumes, auparavant bardés de plastiques, désormais dans un contenant en carton.
Il n'en demeure pas moins que même recyclable, un déchet reste un consommateur futur d’énergie et d’eau. L’éviter reste de loin la meilleure approche, et pour cela l’économie circulaire entendue dans son acceptation large, à savoir dès la conception du produit, nous ouvre de nouvelles perspectives, notamment en replaçant la prévention au cœur de nos décisions. La consigne et plus généralement le réemploi y
(re)prendraient toute leur place.Penser réellement circulaire peut devenir notre quotidien, enfin!
La chaîne Delhaize s'efforce de réduire au maximum les emballages au rayon fruits et légumes. Le carton, mieux recyclable que le plastique, est privilégié là où le conditionnement reste nécessaire.
À lire aussi dans le dossier « La seconde vie de nos emballages »