Le plastique, cette merveilleuse invention de l'humanité ayant facilité notre quotidien se révèle être une bombe à retardement. Sa production exponentielle conduit à des champs et même des continents de déchets puisque le plastique est tout sauf biodégradable. Pire, avec le temps, les molécules se décomposent en petites particules qui sont répandues dans l'air que nous respirons, dans la nourriture que nous mangeons et l'eau que nous buvons. Cependant des solutions existent pour éviter l’incontrôlable. Une véritable course contre la montre dans un monde de plastique.
De notre lunchbox au sac de notre dernière excursion au supermarché, nous avons fait du plastique notre nouveau meilleur ami, celui qui nous a considérablement simplifié la vie. En 70 ans, sa production mondiale a littéralement explosé passant de 2 millions de tonnes (Mt) en 1950 à 380 Mt en 2015, soit un taux de croissance annuel composé (CAGR) de 8,4%. L'année dernière, une équipe de scientifiques (Roland Geyer, Jenna R. Jambeck et Kara Lavender Law) a mené la première analyse globale de tous les plastiques produits en masse. Ce sont, depuis les années 1950, 9 milliards de tonnes qui ont été produites. L'étude souligne que le secteur de l'emballage est le plus grand producteur de plastique sur terre, représentant plus de 30% de la production mondiale.
Quel sort pour le plastique ?
De l’accumulation de déchets produits dans le monde entre 1950 et 2015 (soit 5800 Mt), les trois scientifiques ont estimé qu'environ 12% ont été incinérés (avec ou sans récupération d’énergie), 9% ont été recyclés (dont 10% ont été recyclés plus d'une fois). Le reste (c'est-à-dire 79%) est actuellement stocké dans des décharges ou simplement déversé tel quel dans des décharges à ciel ouvert ou dans la nature.
Bien qu’insuffisantes au vu de la crise actuelle, des mesures sont en cours dans plusieurs pays. Le Luxembourg est l'un des dix États européens qui ont mis en place des taux minimaux de recyclage des déchets plastiques (22,5%). Cela a permis au Grand-Duché de progresser, passant de 6,2% de recyclage en 1997 à 32,5% en 2016. En Europe, le taux de recyclage des déchets plastiques post-consommation est supérieur à la moyenne mondiale, mais reste nettement à la traîne par rapport aux autres matériaux.
Dans l'ensemble, Roland Geyer et son équipe tirent la sonnette d‘alarme. « Sans une stratégie de gestion bien conçue et adaptée aux plastiques en fin de vie, l’humanité réalisera une expérience incontrôlée sans précédent à l'échelle mondiale, une expérience au cours de laquelle des milliards de tonnes de matériaux s'accumuleront dans tous les principaux écosystèmes terrestres et aquatiques de la planète. »
Bien plus qu'un nouveau continent
Entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans l'océan chaque année. Selon la Fondation Ellen MacArthur, cette quantité équivaut à déverser le contenu d'un camion à ordures dans l'océan chaque minute. Si rien n'est fait pour améliorer l'infrastructure de gestion des déchets, on s'attend à ce que cela augmente à deux camions par minute d'ici 2030 et quatre par minute d'ici 2050. « Cela ne se décomposera jamais et restera là pour toujours. Si rien ne change, en 2050 tout le plastique de l'océan pourrait peser plus que tous les poissons qui y nagent », prévient Sky Ocean Rescue.
Les courants marins transportent le plastique et le concentrent dans des vortex subtropicaux spécifiques, souvent décrits comme les agglomérats d'ordures océaniques. Ils sont au nombre de cinq. Le plus tristement célèbre, le grand vortex de déchets du Pacifique, a été découvert en 1997 par l'océanographe et skipper Charles J. Moore. Depuis lors, cette zone a triplé et représente aujourd'hui une surface équivalente à un tiers de l'Europe qui va jusqu’à 30 mètres de profondeur.
« Une fois dans ces zones, le plastique ne disparaîtra pas par lui-même. La pollution plastique s'étend sur des millions de kilomètres carrés et se déplace dans toutes les directions, un vrai défi pour le nettoyage de ces gyres », témoigne l'organisation The Ocean Clean Up.
Il s’agit d’une course contre la montre, car une grande partie des plastiques ont encore des dimensions assez grandes mais deviennent minuscules avec le temps, voire invisibles et donc plus dangereux. « En retirant le plastique alors que la taille des déchets est encore importante, nous l'empêchons de se décomposer en microplastiques toxiques. » explique The Ocean Clean Up.
L’environnement menacé à plusieurs titres
À tous les stades de son cycle de vie, le plastique a des impacts négatifs sur l'environnement et la biodiversité. Premièrement, il est principalement produit à partir de combustibles fossiles, et son processus de production implique l'utilisation de produits chimiques. En effet, les plastiques ont une empreinte carbone importante avec des émissions s'élevant à près de 400 millions de tonnes de GES par an à l'échelle mondiale, selon la Commission européenne.
Une fois produit, les caractéristiques qui rendent le plastique si résistant et impérissable sont justement la cause de son inconvénient principal. Le plastique ne peut pas se biodégrader, il reste présent dans l’environnement pendant des centaines d'années, avec des impacts majeurs sur la biodiversité.
Nous avons tous vu les photographies choquantes d'oiseaux de mer, de mammifères marins et de tortues piégées dans des déchets plastiques. Cependant, les créatures marines ne sont pas seulement blessées par l'enchevêtrement physique. Les chercheurs de The Ocean Clean Up ont découvert que les estomacs de tortues analysés contenaient 63% de plastique et seulement 37% de nourriture! Un phénomène qui s'aggrave avec la fragmentation des plastiques en petites particules.
L'invasion des microplastiques
Une fois exposés aux éléments de la nature, les plastiques se décomposent en petits fragments. Ces microplastiques sont ensuite ingérés par le plancton, les moules, les poissons... et se retrouvent donc dans notre chaîne alimentaire et dans nos assiettes. Une étude de l'Université de Gand a ainsi découvert l'existence de 300 microparticules de plastique dans nos portions de 300 grammes de moules !
Pire, cela va bien au-delà de la vie océanique ! Une étude récente sur l'eau a révélé que 83% des échantillons d'eau du robinet testés dans le monde contenaient des fibres de plastique. 72% en Europe (Chris Tyree, Dan Morrison, Orb, 2017). Selon le Département de géologie et des sciences de l'environnement de l'Université d'État de New York, Fredonia, l'eau en bouteille semble elle aussi contaminée. Leur dernière étude souligne que 93% de l'eau en bouteille testée présentait des signes de contamination par des polymères synthétiques, atteignant dans certains cas plus de 10 000 particules de microplastiques par litre.
Ils sont dans la nourriture que nous mangeons, dans l'eau que nous buvons, mais aussi dans les produits cosmétiques que nous utilisons et… dans l'air que nous respirons. En effet, la poussière des pneus est une source importante d'émissions de microparticules. On a aussi découvert que les plastiques contenus dans nos vêtements de sport ou nos vestes polaires sont libérés dans l'air par friction ou dans le cycle de l'eau après chaque lavage. De telles constatations appellent également à une vigilance accrue dans la façon dont sont intégrés les produits recyclés dans les boucles d’économie circulaire.
Fresque réalisée par le beach artist J.Ben à l'occasion de la Journée Mondiale de la Terre.
Une stratégie européenne
La Commission européenne a identifié le plastique comme une priorité clé de son plan d'action et a présenté sa stratégie en faveur des plastiques intégrés à l’économie circulaire en début d’année. La Commission a travaillé sur une liste de mesures : un cadre réglementaire pour les plastiques et les plastiques à usage unique ayant des propriétés biodégradables, une réflexion sur des politiques pour réduire la libération involontaire de microplastiques (des pneus, des textiles et de la peinture), et une réduction de l'utilisation des sacs en plastique dans les États membres. De plus, la Commission veut flécher les investissements et l'innovation vers des solutions circulaires et entreprendre des actions pour lutter contre les sources de déchets marins. Les entreprises et industriels sont également encouragés à soumettre leurs engagements en matière de recyclage. Comme l'indique la Commission, l'objectif est de faire en sorte que d'ici à 2025, dix millions de tonnes de plastiques recyclés soient injectées dans de nouveaux produits sur le marché de l’UE.
De nos jours, environ 25 millions de tonnes de plastique sont consommées chaque année par les États membres de l'UE et seulement 30% de cette quantité est recyclée. L'Irlande en est le principal producteur, suivie par l'Estonie et l'Allemagne.
Le sujet grandit au niveau national et certains efforts sont en cours. Ainsi, fin mars, le Royaume-Uni a annoncé sa volonté de mettre en place un vaste système de consigne des bouteilles, ce type de système étant déjà opérationnel en Suède, au Danemark, en Allemagne et en Belgique. En France, un amendement a été voté pour « mettre fin à l’utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service, en matière plastique, dans le cadre des services de restauration collective » d'ici 2022.
En outre, le Royaume-Uni envisage également d'interdire l'utilisation de pailles, de touillettes et de cotons tige. En France, bien qu’un amendement visant à interdire le plastique dans les cantines ait été rejeté, les collectivités territoriales auront le droit de mener une expérimentation sans plastique si elles le souhaitent. Quelques signaux positifs pour faire face à l'ampleur et l'urgence du problème qu’engendre le plastique.
de tonnes de plastique ont été produites depuis les années 1950
des déchets plastiques produits ont été recyclés
est déversé dans l'océan à chaque minute
de sacs en plastique sont utilisés dans le monde entier chaque année
de bouteilles en plastique sont achetées dans le monde chaque minute
bouteilles plastique sont produites par seconde, dont 3 400 bouteilles de Coca-Cola
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