« L’impression 3D a le pouvoir de révolutionner la façon dont nous fabriquons presque tout ». Ces mots de Barack Obama, rappelons-nous, posaient le constat de l’immense potentiel de la fabrication additive. Savez-vous qu’aujourd’hui, elle contribue aussi à la préservation de la faune ? Prothèses animales, murs « vivants » abritant plantes et insectes, récifs artificiels pour régénérer les écosystèmes marins... Cette nouvelle technologie a le pouvoir de se porter au secours de nombreuses vies animales, qu’elles soient domestiques ou sauvages. Tour d’horizon de ces projets 3D d’aujourd’hui et de demain.



Des prothèses salvatrices

Nos chers animaux victimes d’accidents ou de maladies ? De nombreuses vies peuvent être désormais sauvées grâce aux prothèses fabriquées par impression 3D. Coquilles, carapaces, becs, roues ou pattes artificielles... ce procédé unique permet de créer n’importe quelle forme imaginable. Taillées dans divers matériaux, les prothèses s’adaptent ainsi au milieu de vie, à la morphologie ou encore aux besoins spécifiques de chaque espèce. On retrouve ainsi un perroquet pourvu d’une bec de rechange, un crocodile équipé d’une queue artificielle ou encore un bigorneau doté d’une coquille flambant neuve. Le cas le plus célèbre reste sans nul doute celui de Derby, un des premiers chiens ayant pu bénéficier de prothèses 3D adaptées. Ses nouvelles pattes en forme de lames ont permis à ce jeune chien-loup souffrant d’une malformation des pattes avant de pouvoir, enfin, s’asseoir et courir à sa guise.

Habitats naturels : « l’effet-pansement » de l’impression 3D

Face à la destruction des habitats, les imprimantes 3D se révèlent des outils performants pour reconstruire des environnements favorables au maintien de la faune. De nombreux projets émergent… ou plutôt parfois immergent, tels les récifs artificiels. Ces structures jouent un rôle clef dans la préservation de l’écosystème marin. Elles servent ainsi de rempart contre les cyclones et les catastrophes naturelles et plus largement, favorisent la prospérité des fonds. Les coraux offrent en effet le gîte et le couvert à de nombreuses espèces et permettent de garantir une bonne qualité de l’eau en la filtrant naturellement.

C’est vers cette solution que se sont orientés des chercheurs, à Hong Kong, suite à un typhon survenu en 2018 ayant provoqué la disparition de 80 % du corail. Leur objectif ? Restaurer ces barrières naturelles en réalisant des dalles artificielles en argile. Bien qu’esthétiques, elles n’ont pas été choisies au hasard. Leurs formes représentent celles de trois espèces endémiques de coraux des eaux du parc Hoi Ha Wan, l'un des six espaces marins protégés de Hong Kong. Ces 128 pièces ont été ensemencées de fragments de corail et placées en légère élévation par rapport au plancher marin pour se rapprocher des sources de lumière et des nutriments. Les scientifiques espèrent que d’ici quelques décennies, les coraux qui peuvent aisément s’y accrocher auront suffisamment grandi pour pouvoir de nouveau abriter diverses espèces.

Tentative similaire dans les eaux de Sydney pour faire face à la pollution croissante en bord de digues. La biodiversité marine y a grandement souffert de l’urbanisation, notamment de la destruction de la mangrove, véritable filtre vivant permettant de nettoyer les polluants et les particules présentes dans l’eau. L’institut des Sciences Marines de Sydney (SIMS) et le Reef Design Lab ont créé des tuiles imprimées en 3D imitant la structure des racines de la mangrove. Ici, ce mur vivant n’a pas été placé au fond de l’eau, mais bien de manière verticale sur les parois des digues. L’idée? Analyser le changement de biodiversité et de qualité de l’eau sur une période de 20 ans. (Interview Mélanie Bishop, l'une des codirectrice du projet).

Photo : Leah Wood

Plus près de nous, aux Pays-Bas, l’ARK Natuurontwikkeling et WWF se sont lancés un nouveau défi : lutter contre la désertification des fonds marins en mer du Nord. On y déplore la disparition des coquillages et tout particulièrement celle des huîtres plates sauvages. Au nord de l’île de Schiermonnikoog, six tonnes d’huitres et leur habitat artificiel ont donc été plongés au fond de l’eau. Fabriqués avec des matériaux céramiques, imprimés en 3D, ces récifs artificiels visent une imitation parfaite des structures naturelles et privilégient des matériaux respectueux de l’environnement. 

Sur la terre ferme aussi, la fabrication additive se met au service des écosystèmes. C'est le cas de Landboost, un projet mené par l’acteur international d’ingénierie et de construction Egis dont le but est de favoriser la conservation et le développement de la biodiversité dans les territoires urbanisés. Il s’agit ici de créer des infrastructures pour accueillir les espèces animales qui peinent de plus en plus à trouver des espaces pour se reproduire, se reposer ou hiberner... Nichoirs pour les oiseaux, hôtels à insectes adossés à des parois murales.... À Grenoble, Landboost a déjà installé des murs 3D pour limiter le bruit des autoroutes et préserver le bien-être de la faune environnante.

Toujours plus loin, NOWLAB, le laboratoire d’innovation du géant des imprimantes 3D BigRep, a réalisé une structure surprenante en collaboration avec l’artiste américaine Lindsay Lawson : le Banyan Eco Wall. Ce prototype, présenté au Fiction Forum de Berlin 2019, possède un système d’irrigation et de drainage innovant. Imitant le design complexe d’une plante, il entend également fonctionner comme tel grâce à un système hydro-circulatoire. Ce mur « vivant » permet d’accueillir diverses variétés de plantes et espèces d’insectes. Ses particularités : des moyens de fabrication durable et des matériaux recyclés. Un revêtement de façade pour demain ?

Crédit : Angelo Renna

Ces abris pour insectes ont été conçus par l’architecte et designer italien Angelo Renna. Son projet « Lesser Houses » a pour but de protéger les colocataires insoupçonnés de nos maisons et de mettre en lumière la biodiversité cachée qu’elles recellent. Il y aurait en effet plus de 100 espèces d’insectes différentes côtoyant les recoins cachés de nos habitations. Chaque réalisation est pensée pour un animal en particulier et est inspirée de son habitat naturel.

La 3D, comportementaliste ?

L’impression 3D peut aussi servir à étudier le comportement de diverses espèces animales afin de mieux les protéger, notamment en période de reproduction. Direction le Costa Rica, où une expérience de ce type a été menée sur des grenouilles tropicales jaunes par des chercheurs de l’Université de Windsor. 

Ces amphibiens ont effectivement un comportement étrange qui n’a pas manqué d’attirer l’attention des scientifiques. Lorsqu’arrive la saison des pluies, les individus mâles changent de couleur pendant une journée, évoluant ainsi d’une peau couleur marron à un jaune plus vif. Pourquoi cette variation chromatique ? Pour impressionner les femelles ? Pour indiquer à quel sexe ils appartiennent ? Pour étudier la cause de cette transformation, les chercheurs ont conçu des répliques 3D de ces animaux, ayant recours à la photométrie, une technique qui permet d’estimer la variation du relief d’un objet en l’observant sous différentes conditions d’éclairage. Ils ont ainsi pu observer de près ces amphibiens par le biais de ces modèles 3D grandeur nature. Leur découverte ? Ces drôles de grenouilles se transforment pour annoncer la saison des amours et donc, plus concrètement, la période de reproduction qui dure aussi longtemps que leur nouvelle couleur, soit une journée !

Ces bijoux de technologie ont aussi été utilisés pour connaître les préférences sexuelles de la tortue géographique (northern map turtle) dont les mâles ont une taille plus petite que les femelles. Il s’agissait de vérifier un phénomène observé par les chercheurs, soit la nette préférence des mâles pour des femelles plus volumineuses. Les scientifiques ont ainsi créé, à partir d’imprimantes 3D, deux femelles de taille différente et les ont placées au fond d’un lac, laissant au mâle le choix de sa partenaire. Ce qui est ressorti de cette expérience ? Les tentatives d’accouplement envers la plus grande tortue ont été effectivement plus nombreuses qu’avec la plus petite.

Ces projets de recherche prenant la forme des animaux étudiés peuvent être utilisés afin de collecter tout autre type de données : taux de pollution des fonds marins, fluctuation des températures de l’air… Si ces projets permettent d’assouvir notre curiosité face à d’étonnants phénomènes du monde animal, ils sont avant tout destinés à pouvoir protéger la faune et les écosystèmes dans lesquels elle vit et se reproduit. Savoir protéger la nature revenant à pouvoir la comprendre.

Crédit : Georgia Tech / Rob Felt

Au parc botanique d’Atlanta, SlothBot, un robot de 92 cm, a l’apparence d’un paresseux et se comporte comme tel. Imaginé par des ingénieurs du GIT (Georgia Institute of Technology), ce robot-animal fabriqué en 3D enregistre des données telles que la fluctuation des températures et du dioxyde de carbone dans le but de protéger les espèces en danger, comprendre les interactions plantes-animaux ou le comportement des pollinisateurs et autres phénomènes difficiles à appréhender.

L’impression 3D contribue aujourd’hui, et encore davantage demain, à protéger et sauver des animaux sauvages ou domestiques. Et si c’était à notre tour d’apprendre de ce monde animal ? Et si la fabrication additive était un outil des plus utiles pour s’inspirer de la nature ? Dans le domaine des sciences et de la recherche, on parle bien sûr de biomimétisme. C’est un vaste domaine des possibles qui ne cesse de repousser ses frontières avec l’apport de cette technologie. Les exemples combinant biomimétisme et impression 3D ne manquent pas : véhicules plus performants et moins consommateurs d’énergie inspirés de la peau du requin ou du bec du martin-pêcheur, ou d’autres projets encore à l’étude, comme celui d’utiliser le collagène de peaux de poisson pour imprimer des cornées humaines et soigner ainsi de futurs patients. La fabrication additive permettant la reproduction à grande échelle de structures du monde naturel jusque-là très complexes à fabriquer, son association avec le biomimétisme ne peut-être que prometteuse.

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