De Leonard De Vinci aux frères Montgolfier, nombreux sont ceux qui, nourris par des fantasmes immémoriaux, ont voulu défier les lois de la gravité. Le rêve le plus ancestral de l’Homme, voler, n’est depuis plusieurs décennies, plus une utopie. Les engins volants ont évolué, mais certains d’entre eux ont particulièrement le vent en poupe ces dernières années : les drones. Ces bijoux de technologie sont aujourd’hui plus de 10 millions dans le monde à sillonner notre ciel. De l’agriculture durable à la santé, en passant par la logistique efficiente, nombre de leurs récentes applications se révèlent très prometteuses et les désignent comme un outil incontournable de résilience. Mais leur irruption en masse n’est pas sans apporter son lot de questionnements et de limites. Entre opportunités et potentielles dérives, exploration d’un objet volant à identifier.
Ne nous méprenons pas, ces engins vrombissants sont à l’étude depuis le début du 20e siècle déjà. La conceptualisation des premiers aéronefs sans pilotes (UAV : Unmanned Aerial Vehicules) remonte au 2 juillet 1917, quand Max Boucher, capitaine de l’école d’aviation française, grâce à un système de pilotage automatique, programme le décollage du premier drone de l’histoire sur la base militaire d’Avord. Parallèlement, aux États-Unis, des ingénieurs travaillent à des projets d’avions radiocommandés, à usage militaire essentiellement, qui sont munis d’un système de torpilles aériennes. L’emploi de ces aéronefs commandés à distance s’est ensuite multiplié au sein des rangs de l’US Army pour procéder à des opérations de surveillance en territoire ennemi, notamment lors de la guerre du Vietnam. Le système est élémentaire : la machine, munie de quatre rotors alimentés par une motorisation électrique, est équipée d’une caméra embarquée dans des prises de vues à basse altitude. Ses atouts sont : le vol stationnaire, le décalage et l’atterrissage vertical. Ce ne sera que plus tard, dans les années 30, que le nom drone apparaîtra en Grande-Bretagne. Signifiant « faux bourdon », il a été choisi par analogie avec le ronronnement et la lenteur des premiers appareils.
Précieux outil médical et sanitaire
C’est en situations d’urgence et de catastrophes naturelles, où la distance et le temps deviennent ennemis, qu’entrent en scène les drones et toute leur potentialité. Leur usage dans le domaine médical s’organise plus rapidement que partout ailleurs, avec l’objectif d'intervenir au plus vite en acheminant des produits là où l’état des routes et le relief rendent le transport terrestre long, coûteux et dangereux. Le drone ambulance par exemple, avec une vitesse de croisière de 100 km/h, peut transporter un défibrillateur en une minute dans une zone de 12 km2 augmentant les chances de survie du malade de 8 à 80 %.
Récemment, face à la pandémie de la Covid, grand nombre de ces possibilités ont été dévoilées. En Europe, plusieurs pays ont choisi cette technologie pour enjoindre les réfractaires aux mesures de confinement de rentrer chez eux. En Chine, des sociétés comme Baidu ont équipé des UVA de caméras infrarouges, couplées à de la reconnaissance faciale, qui permettent de mesurer la chaleur corporelle de 15 personnes en même temps, à 0,3°C près, et de faire retentir une alarme en cas de fièvre. Le tout afin de placer au plus vite les personnes à risque en quarantaine ou de les rediriger vers des services de soins à même de les prendre en charge. D’autre pays comme le Royaume-Uni, l’Écosse ou encore les États-Unis ont également adopté ces outils afin de pouvoir livrer bon nombre d’équipements et de matériels médicaux aux hôpitaux ou à des communautés isolées. Aux États-Unis, ces initiatives ont eu lieu grâce à l’association de la CVS Health Corporation et le géant de la distribution UPS. Cette solution présente des avantages clefs notamment en période de pandémie : rapidité de livraison, respect des mesures de distanciation sociale et protection du personnel soignant.
À Séoul, les autorités se sont montrées particulièrement créatives. Grâce à plus de 300 drones qui illuminaient le ciel, elles ont créé un show extraordinaire qui rappelait à la population les mesures de sécurité et qui, par la même occasion, encourageait le personnel médical. Ce spectacle d’illuminations de dix minutes a été relayé partout dans le monde le 4 juillet 2020.
Organisé par le Ministère du Territoire, des Infrastructures et du Transport, en hommage au personnel soignant et pour sensibiliser à la distanciation sociale, 300 drones ont réalisé un spectacle lumineux de dix minutes dans le ciel de Séoul, le 4 juillet dernier.
Par le passé, les drones ont déjà fait leurs preuves ! Dès 2012, suite au séisme en Haïti, des centaines de kits de secours ont été livrés par voie aérienne. Aussi, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’organisation Médecins Sans Frontières a mis en place, en 2014, une opération innovante contribuant à réduire les difficultés d’accès aux communautés isolées. Cette mission avait pour objectif de transporter des échantillons de salive de patients suspectés d’être atteints de tuberculose et d'acheminer les analyses et traitements. Ce n’est pas tout, la ville de Bangalore, en Inde, mène depuis 2016 un projet de transport d’organes par drones permettant de réduire de plus de 50 % le délai de livraison des organes destinés à une greffe : un gain de temps crucial pour sauver davantage de vies.
L’enjeu en termes de santé publique est considérable, par exemple sur le continent africain, où de nombreux patients souffrent de l’absence de produits de santé, notamment en raison du mauvais état des routes et de l’inaccessibilité de certains villages. En collaboration avec le gouvernement, la start-up américaine ZipLine a su appliquer au Rwanda une solution pérenne de transports de médicaments et de poches de sang vers des endroits isolés. 7 000 poches ont ainsi déjà été livrées grâce à pas moins de 4 000 vols. Les drones utilisés ont une autonomie de 120 km, un poids de 12 kg et peuvent transporter des colis de 1,3 kg. L’enthousiasme autour de cette technologie est tel qu’un premier « Droneport » devrait voir le jour en 2030 au Rwanda, dans l’espoir de rationaliser et d’industrialiser le transport de produits de santé plus rapidement et à moindre coût.
Ce Droneport comportera 2 lignes de transport différentes : la bleu et la rouge. Le drone Redline, utilisé pour des missions sanitaires, fera trois mètres d’envergure et sera capable de transporter 10 kilogrammes de matériel sur une distance de 50 kilomètres à 100 km/h, tandis que le drone Blueline, consacré à des missions commerciales, fera six mètres d’envergure et pourra déplacer une charge de 100 kg sur 100 km.
Un drone est lancé depuis la base d’essai de ZipLine en Californie.
Vers une agriculture de précision
Pour certains, le secteur de l’agriculture représenterait la plus grosse manne financière potentielle relative à l’utilisation des drones. Selon les études prévisionnelles de PwC, le marché des drones commerciaux dans l’agriculture pourrait générer 32,4 milliards de dollars d’activité économique à l’échelle internationale. Face aux bouleversements climatiques et au défi de l’insécurité alimentaire accru par une démographie galopante, certains agriculteurs voient en ces engins de véritables outils de précision capables de révolutionner leurs méthodes d’agro-exploitation.
Des drones proposent désormais un service de cartographie complet des parcelles agricoles. Grâce aux caméras embarquées capables de couvrir 400 hectares par heure, ils permettent de réaliser des prises de vue aériennes de précision. Les analyses topographiques sont, elles, menées grâce à une technologie de télédétection par laser. Dans certaines exploitations où les UAV sont plébiscités, on observe une optimisation de la productivité : les rendements connaitraient des hausses allant jusqu’à 10 % par an. Le réel intérêt de cette technologie est l’approche différenciée des zones cultivées qu’elle permet. Du sur-mesure, en quelques sortes. Le capteur thermique intégré à certains engins repère ainsi les zones sèches et conduit à une gestion adaptée des ressources en eau. Un atout majeur lorsque l’on sait que l’agriculture représente environ 70 % de la consommation mondiale en eau. Les drones sont également capables de mesurer la lumière renvoyée par les plantes. Ces analyses permettent de créer des cartes de « réflectance », outil qui permet d’analyser la vitalité des plantes et de détecter les zones où il est nécessaire d’envoyer de l’engrais ou de retirer des mauvaises herbes par exemple. Les drones permettent donc d’améliorer la fertilisation des sols et d’optimiser les rendements.
Autre mérite des drones agricoles, grâce à des capteurs infrarouges, leurs images multispectrales sont capables de détecter les plantes d’une parcelle atteintes de maladie. Aujourd’hui, ils seraient même capables de répandre des capsules chargées pour lutter contre les insectes qui dévorent les cultures.
Dès 2015, Ovalie a lancé ce projet d’épandage de trichogrammes. Face aux invasions de pyrales dévorant les champs de maïs, des drones ont largué des billes contenant des trichogrammes, prévenant ainsi l'apparition des chenilles responsables des dégâts. Ces pratiques alternatives favorisent la limitation voire la suppression des intrants chimiques et compte parmi les outils de transition vers un modèle agricole plus efficient et durable. Ils représentent une véritable opportunité pour passer au monde de l’agriculture 2.0 !
Une réponse au casse-tête du last-mile
La problématique du dernier kilomètre est, on le sait, une constante particulièrement difficile à résoudre dans les réflexions sur la transition vers un modèle de mobilité durable. En effet, au Luxembourg, cette portion représenterait 25 % des émissions de gaz à effet de serre et serait responsable de 20 % du trafic.
C’est pour répondre à cette problématique que certains groupes tels qu'Amazon, Google ou DHL, désireux de répondre à des exigences logistiques toujours plus poussées, s’attellent à mettre au point des drones de livraison. Cette perspective s’appuie sur la volonté de réduire les délais engendrés par les rues congestionnées ou par l’accessibilité difficile de certains lieux.
DHL Express, le leader mondial du transport du colis, s’est ainsi associé avec l’entreprise chinoise EHang, leader mondial dans le domaine des véhicules aériens autonomes intelligents, pour lancer un nouveau système de livraison automatisé en Chine. Ce nouveau concept logistique a été testé et officiellement lancé le 16 mai 2019 à Guangzhou. Fait nouveau, le drone effectue le chargement et déchargement de manière autonome. Conséquences : la livraison est plus efficace, moins coûteuse, requiert moins d’énergie et le système en est donc plus durable. Le premier véhicule Falcon envoyé par la société EHang a parcouru une distance de 8 km et a permis de réduire le temps de livraison de 40 à seulement 8 minutes. Cette nouvelle réalité laisse évidemment entrevoir de belles perspectives commerciales pour DHL. Amazon, lui, est toujours à la recherche du drone idéal pour ses livraisons Prime. En juin 2019, l’entreprise a obtenu un accord de la FAA (Federal Aviation Administration) pour continuer ses phases de tests. L’ambition est de trouver un drone silencieux, capable d’éviter d’autres engins volants, la population et les lignes à haute tension. Ces nouveaux drones pourraient porter des colis de 3 kg maximum et seraient réservés à des trajets de moins de 25 km. Un nouveau service qui devrait porter le nom d’Air Prime. Pour les adeptes de livraisons à domicile, il n’est plus loin le temps où votre prochain colis arrivera par drone facteur !
Une solution pour les professionnels exposés aux travaux dangereux
Si ces engins volants ne révolutionnent pas encore totalement le domaine du BTP ou des mines et carrières, le gros de l’utilisation actuelle des drones dans l’industrie a lieu dans le cadre d’activités risquées et coûteuses, comme l’inspection de lignes à haute tension et de réseaux électriques.
Jusqu’à présent, l’inspection de lignes électriques d’une installation industrielle ou des réseaux de lignes à haute tension se faisaient par hélicoptères. Automatisés, les UAV permettent notamment aux grands opérateurs d’inspecter, à moindre frais, des milliers de kilomètres de câbles électriques, de lignes de trains ou de gazoducs. En embarquant une caméra et des capteurs, les drones permettent de capturer de nombreuses données et de prendre des clichés haute résolution, afin de réaliser des cartographies ou des modélisations 3D en toute sécurité. Au sein de la compagnie américaine Duke Energy, les drones sont utilisés pour inspecter des lignes électriques ou des tours de contrôle. Cette entreprise a notamment utilisé ces engins pour installer des lignes électriques à Puerto Rico après le passage de l’ouragan Maria. De même Chez EDF Énergies Nouvelles (ENR), qui utilise des aéronefs non habités pour surveiller des postes de transformation et contrôler les isolateurs défectueux. Ces engins peuvent même être utilisés, non plus simplement pour analyser, mais aussi pour poser des câbles haute-tension. Ainsi, Bouygues Energies et Services, tout comme Engie IneoRHT, utilisent des drones pour dérouler des câbles en haut des pylônes haute tension. Les drones sont également utilisés pour surveiller d’autres types de réseaux : le trafic autoroutier. Pour informer les usagers des conditions de circulation - via des prises de vues à visualiser « en direct et en continu ». De même, sur les voies ferroviaires, ils peuvent effectuer des relevés topographiques afin d’analyser l’usure des voies ou de détecter des actes de malveillance.
Les UAV s’avèrent également très précieux dans le secteur des énergies renouvelables, tout particulièrement en matière d’inspection technique, de nettoyage et de maintenance en zones à risque. Au niveau des centrales solaires, les drones constituent des outils révolutionnaires. Ils prennent des photos de haute qualité qui fournissent aux hommes la possibilité de détecter les défauts des panneaux qui sont invisibles à l’œil nu. La société française Dronotec par exemple, a équipé ses appareils de caméras thermiques de pointe. Celles-ci ont la capacité de repérer de la poussière ou des plantes sur les panneaux, ce qui permet ensuite de les nettoyer ou de les réparer quand les conditions l’autorisent. Les parcs éoliens sont un autre secteur qui bénéficie de la technologie des drones. Inspecter les pales des éoliennes et en particulier en mer, est une activité traditionnellement coûteuse et surtout très périlleuse pour les techniciens. En effet, ceux-ci doivent évaluer visuellement l’état des pales en étant tractés par des cordes. La société américaine Cyberhawk utilise désormais les drones afin d’obtenir des représentions 3D des pales.
Drone surveillant le niveau de la fonte des glaces.
De véritables vigies pour notre environnement
Les drones sont devenus des alliés indispensables pour la protection de l’environnement. Ils permettent de fournir des informations précises sur l’état des milieux naturels, repérer des traces de pollution, protéger les animaux tant terrestres que marins ou encore, contrôler la végétation. Ils peuvent aussi servir à contrôler la qualité de l’air ou détecter des fuites de gaz. La start-up finlandaise Aeromon, a rendu possible l’analyse de 70 polluants industriels et la cartographie de la qualité de l’air.
Les drones permettent ainsi d’obtenir des informations de qualité qui guident les autorités lors de la mise en place de mesures relatives à la pollution aérienne. Ils sont également aujourd’hui utilisés afin de détecter la pollution des navires et la pollution aquatique de manière plus générale.
Les drones ont la capacité d’atteindre des zones isolées ou difficiles d’accès, telles que l’Arctique où ils surveillent la fonte des glaces. Ailleurs, ils constatent l’érosion des côtes et les éruptions volcaniques. Ils s’aventurent aussi au-dessus de la forêt tropicale ou la savane où ils aident alors à repérer des activités illégales, particulièrement dans le domaine du braconnage, ou encore identifient des zones illégales de déforestation. L’ONG Sea Shepherd, lutte pour la défense des écosystèmes marins. Elle utilise des drones afin de repérer les braconniers et les filets illégaux pour ainsi les éliminer. Ils agissent notamment en collaboration avec les autorités mexicaines pour protéger, dans le Golfe de Californie, le cétacé le plus menacé au monde : la vaquita. Fait intéressant, la société DroneSeed a créé un drone capable de planter des arbres grâce à un canon qui propulse, à plus de 380 km/h, des capsules emprisonnant des graines à plus de 7 centimètres de profondeur dans le sol. Ce drone a la capacité de planter des arbres 6 fois plus vite qu’un humain. Cette invention permet, dans les zones particulièrement inaccessibles, de lutter contre la déforestation et les zones dévastées par les feux de forêt.
Le revers de la médaille
Les avantages liés aux drones sont aujourd’hui considérables et leur exploitation est donc exponentielle ! Petits, abordables et simples d’utilisation, ils sont faciles à se procurer et leur nombre ne fait qu’augmenter. On annonce qu’en 2025 plus de 25 millions de drones seront mis en circulation dans le monde ! Corollaire de cette popularité grandissante, ces engins volants sont de plus en plus associés à des actes frauduleux. Leur potentiel malveillant entache leur réputation et, aujourd’hui, ils deviennent également synonymes de menace. En France par exemple, les autorités ont pris conscience de l’étendue du préjudice possible et tiré la sonnette d’alarme quand, en 2014, ces UVA ont survolé 15 centrales nucléaires pour des raisons inconnues.
Des risques majeurs
Mais, quels dangers les drones peuvent-ils provoquer ? L’ESSE (Ecole supérieure de la sûreté des entreprises) a établi une typologie des risques drones. Pour cette institution française, ils seraient au nombre de trois : l’attaque terroriste, l’espionnage et la contrebande. Au niveau terroriste, il n’est pas difficile d’imaginer qu’un explosif puisse facilement être fixé à un drone ou que celui-ci puisse servir à guider un véhicule suicide. Daesh a d’ailleurs fait usage de nombreux appareils capables de filmer des documents de propagande, d’effectuer des tirs indirects et même de larguer des bombes ! En 2018, c’est le président vénézuélien Nicolas Maduro qui avait été victime d’une attaque de drones lors d’une conférence à Caracas.
L’espionnage ou surveillance peut se manifester sous différentes formes : repérage, enregistrement vidéo, écoute de conversations, interceptions de données,… En Chine, les autorités ont mis en place un système de contrôle de la population grâce à des drones-pigeons. Ces animaux bioniques sont dirigés à distance grâce à une caméra haute définition et un GPS intégré. Bijoux de technologie, ceux-ci imiteraient jusqu’à 90 % du comportement d’un véritable oiseau. Ils permettent d’observer les faits et gestes de tout un chacun dans les rues, de repérer les comportements inciviques et de ficher la population. Ces usages pernicieux des drones nous font prendre conscience des risques que ceux-ci peuvent avoir sur les libertés individuelles et la vie privée. Outre l’hypersurveillance, l’espionnage peut aussi revêtir une forme économique. Les drones sont notamment capables de déposer des bornes wifi fantômes ou de dérouter les conversations email d’entreprises.
De même, Les UAV permettent de réaliser des opérations de contrebande. Ils sont capables de transporter illégalement des smartphones mais aussi des armes et de la drogue ! Entre Hong Kong et Shenzhen, on a découvert des drones qui transportaient des sacs contenant jusqu’à 10 iPhone chacun.
La perceptive d’une multiplication des accidents n’est pas non plus à négliger. Un danger qui concerne les UVA se situe clairement du côté de l’aviation. Les nearmiss (quasi collision entre un aéronef et un drone) ne font qu’augmenter ! En 2017, sur le territoire français, on a recensé 92 de ces accidents. Au-delà des conséquences sanitaires, ces accidents provoquent également d’importants dommages économiques. La fermeture de l’aéroport de Dubaï en 2017 due à des activités de drones non autorisées a couté 100 000 dollars par minute ! Toujours est-il que ces collisions peuvent également avoir lieu. La même année, un avion qui effectuait une liaison intérieure au Canada a été heurté par un drone à son approche de l’aéroport Jean-Lesage. La multiplication des UVA dans les airs constitue également une nouvelle menace pour les personnes au sol, celles-ci pourraient être fauchées sur leurs trajectoires ou recevoir des colis sur la tête. Cette hausse des incidents est également directement liée à l’apparition de nouveaux engins. Bien qu’ils pourraient faciliter la circulation et régler certains problèmes liés aux embouteillages, l’arrivée des futuristes drones-taxis, conçus et fabriqués par la société allemande Lilium, va rendre le ciel de plus en plus chargé.
Autre invention risquant d’encombrer les airs : le nouvel engin CityAirbus. Ce taxi volant, automatisé et complètement électrique a été conçu par Airbus Helicopters. Celui-ci a la forme d’un drone, mesure 8 mètres de long et de large, peut atteindre une vitesse de120 km/h et possède une autonomie de 15 minutes. Bien que la compagnie effectue toujours des essais, l’objectif est de pouvoir transporter jusqu’à 4 personnes aux JO de Paris en 2024, afin notamment de désengorger le trafic routier. Bien que la technologie semble aujourd’hui être au point, l’obstacle majeur est désormais de créer une réglementation adaptée. L’introduction de ces taxis volants, conçus par des acteurs majeurs du monde de l'aéronautique, permettra-t-elle de prendre des mesures afin de sécuriser les espaces aériens et les potentielles victimes au sol ?
L’enjeu est maintenant de trouver des solutions ! Détection, identification et neutralisation : il est nécessaire d’être capable de les arrêter afin de nous défendre de leurs potentielles offensives.
Menace de collision entre un avion et un drone.
De nouvelles réglementations
Pour contrer ces attaques et limiter les menaces, certains systèmes de repérage ont vu le jour : radar, radiofréquence, optique, infrarouge et acoustique. D’autres outils de contremesures comme la fauconnerie, le brouillage, le spoofing, l’armement mobile et les solutions hard kill sont également d’application. Cependant, toutes ces méthodes ne sont pas fiables à 100 %. Pour encadrer et réduire les risques, il convient d’établir de nouvelles réglementations. Actuellement, bon nombre de groupes d’experts planchent sur la question, tels que JAURUS (Joint Authority for Rulemaking on Unmanned Systems) au niveau international ou la FAA (Federal Aviation Administration) américaine, ou encore, sur le plan européen, la EASA (European Aviation Safety Agency).
Face à la disparité des mesures d’encadrement nationales, une réglementation européenne sur les UAS a vu le jour : le règlement d’exécution (UE) 2019/947 et ses « Easy Access Rules ». La date d’application de ces mesures, initialement prévue le 1er juillet 2020, a été reportée au 31 décembre 2020 en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus. Depuis cette date, la réglementation européenne sur les UAS est directement applicable dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne , ainsi qu'en Islande, au Liechtenstein, en Norvège, et en Suisse. Ces démarches émanent de volontés de sécurisation et d’uniformisation qui permettent aussi de favoriser l’activité en Europe, comme le libre échange des drones. Les différents pilotes peuvent désormais utiliser leurs engins dans n’importe quel pays de l’UE si ceux-ci possèdent les certificats requis. Ils doivent cependant respecter certaines spécificités nationales tels l'âge minimal du pilote ou les zones interdites de vol.
Quels changements ?
Professionnel ou amateur, il faudra dès à présent se plier à ces mesures. Premièrement, tout utilisateur devra immatriculer son appareil auprès de l’autorité nationale de l’aviation. Les anciennes lois étaient établies en fonction du type d’usage du drone : commercial ou privé. Aujourd’hui, ces catégories ont disparu pour faire place à un classement effectué à partir des paramètres suivants : atteintes à la sécurité, la vie privée et l’environnement. En résulte trois catégories. La catégorie Open concerne les drones qui présentent des risques faibles, les vols sont toujours à vues et ne peuvent pas dépasser les 120 m d’altitude. La catégorie Specific se rapporte à ceux qui exposent des risques moyens. Dès lors, l’exploitant nécessite une autorisation à la suite d’une évaluation des risques. Enfin, la catégorie Certified vise les drones comportant de plus gros risques, l'utilisation de l'appareil requiert alors une triple certification : de l'exploitant, du drone et du pilote (sous licence). Ces nouvelles dispositions visent également les zones interdites ou restreintes pour les drones, telles que les aéroports, les sites nucléaires, les zones militaires… Ces zones sont nommées les « zones géographiques UAS », soit des zones au-dessus desquelles les drones ne peuvent pas voler, ne peuvent voler que sous certaines conditions, ou pour lesquelles une autorisation de vol est requise.
Extension de la main humaine, ces bijoux de technologie constituent des éléments de réponse prometteurs face à des enjeux multiples, agissant et nous guidant de façon ciblée et calibrée là où nous sommes impuissants ou vulnérables… De véritables outils de résilience certes, mais ces concentrés de technologie se révèlent aussi dangereux à plusieurs titres et l’encadrement de leur utilisation se profile comme un véritable défi…
-Article publié le 23 novembre 2020-
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