Visuel : Aurélien Meyer

Tribune de Charlotte Michon

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Conditions de travail, atteintes à la vie privée, pollution, travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement… pas un jour ne se passe sans qu'une entreprise ne soit mise en cause pour des allégations de mauvaises pratiques liées aux droits humains.  

Si la responsabilité des entreprises en la matière est aujourd’hui acceptée, nous avons assisté ces derniers mois à une montée en puissance de ces enjeux : nouvelles obligations juridiques, nouvelles attentes des partenaires commerciaux, des investisseurs… Nous sommes à une période charnière de développement du droit, de définition de cette responsabilité des entreprises au travers du devoir de vigilance et de cristallisation des attentes sociétales et des parties prenantes de l’entreprise.  

Le respect des droits humains n’est plus un « good to have » ou le fruit de certains « militants » en entreprises mais devient progressivement le gage de la durabilité des activités, de l’acceptabilité et de la confiance des salariés, des clients, des communautés et sociétés dans lesquelles elles agissent.   

Alors, que veut dire respecter les droits de l’Homme pour une entreprise ? La dignité de la personne humaine est au cœur de la définition des droits humains. Pour les entreprises, il s’agit de respecter autrui, de s’assurer d’offrir un cadre de travail décent, de ne pas impacter négativement la santé, la sécurité et les conditions de vie des communautés autour des sites, de ne pas tirer profit de l’exploitation des travailleurs pour ses produits et services. Les entreprises doivent s’interroger à chaque décision sur leurs risques de porter atteinte aux droits humains et prendre les décisions en connaissance des impacts possibles sur les personnes. 

Quelles entreprises feront la différence demain ? Ce seront celles qui dépasseront le strict respect de la conformité. Les retours d’expérience de la loi française sur le devoir de vigilance, ont montré ce risque de tomber dans des approches « tick the boxes » sans chercher à donner du sens à ces démarches et à en vérifier le déploiement et l’effectivité au niveau opérationnel.   

Une entreprise fera la différence en se donnant d’abord les moyens de favoriser une culture des droits humains dans toutes ses activités : définition des engagements de Groupe, implication des dirigeants, sensibilisation et formation de tous, mobilisation et définition des responsabilités des différents acteurs dans l’entreprise. Toute personne a un rôle à jouer dans le respect des droits de l’Homme, ne serait-ce que par un rôle de témoin actif, de questionnement et d’alerte. 

C’est une entreprise qui veut savoir ce qui se passe dans ses activités, qui systématise ses processus d’identification des risques en amont des projets, qui formalise ses dispositifs de réclamation et de dialogue pour les personnes potentiellement impactées pour prévenir et réagir au plus vite en cas d’atteinte. 

« Les entreprises n’ont plus le choix, intégrer les droits humains dans leurs politiques et leurs pratiques est nécessaire pour gérer leurs risques, donner des assurances à leurs actionnaires, investisseurs et partenaires commerciaux et à long terme rester compétitives. »

Respecter les droits humains est une démarche d’humilité et d’amélioration continue. Les entreprises les plus matures sont celles en mesure de comprendre les enjeux opérationnels, de dépasser les solutions standardisées et d’innover, de s’interroger et se réinterroger sur leurs pratiques.  

C’est aussi une démarche de transparence. Cela nécessite de s’exposer et d’entrer en dialogue avec ses parties prenantes même les plus critiques, surtout les plus critiques…, de créer des passerelles entre les acteurs qui peuvent avoir des intérêts immédiats divergents, d’instaurer la confiance sur la sincérité de l’approche de l’entreprise dans la durée et avant les controverses. Anticiper, systématiser des processus, créer des réflexes de prévention aident les entreprises à réagir en cas d’incidents.  

Celles qui feront la différence seront aussi celles qui arriveront à mobiliser collectivement, à créer des espaces d’influence collective avec leurs pairs et les autres acteurs pour faire avancer les pratiques de manière durable.  

Les entreprises n’ont plus le choix, intégrer les droits humains dans leurs politiques et leurs pratiques est nécessaire pour gérer leurs risques, donner des assurances à leurs actionnaires, investisseurs et partenaires commerciaux et à long terme rester compétitives. Ce sont des démarches qui prennent du temps, qui demandent des changements de comportements et les entreprises ne peuvent plus attendre. 

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Charlotte Michon

Experte en droits humains et devoir de vigilance