420 ppm. C’est le niveau record qu’a atteint le dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère selon les dernières mesures de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), représentant 3,276 billions de tonnes de CO2. Ce seuil, jamais observé depuis 3 à 5 millions d’années, correspond à l’époque où la température était de 2 à 3 °C plus élevée et le niveau de la mer de 10 à 20 mètres supérieur à celui d'aujourd'hui. Alors que les températures continuent d'augmenter et que les effets du changement climatique se font de plus en plus ressentir, il est impératif d'atteindre la neutralité climatique.

Limiter le réchauffement de la planète exige de profondément transformer nos modèles énergétiques, industriels et économiques. C’est dans cette optique que la notion de neutralité climatique est devenue centrale dans les politiques climatiques mondiales. Inscrite dans l’article 4.1 de l’Accord de Paris, elle vise à atteindre « un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources, et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle ». Autrement dit, il ne suffit pas de réduire les émissions : il est également nécessaire de procéder activement à l'extraction du CO2 de l'atmosphère afin de contrebalancer les émissions résiduelles qui ne pourront être évitées. Cette approche devient d'autant plus essentielle depuis que le seuil critique de 1,5 °C a été dépassé en 2024, accentuant l'urgence de minimiser les risques associés à un réchauffement désormais engagé.

Ce seuil de 1,5 °C est pourtant considéré comme une limite physique clairement identifiée par la communauté scientifique internationale, notamment par les centaines d’études synthétisées par le GIEC. Le scientifique Johan Rockström insiste particulièrement sur ce constat, soulignant que le dépassement de ce seuil implique le déclenchement de points de bascule planétaires, exposant ainsi des milliards de personnes à des bouleversements irréversibles. Or, selon les estimations au début de l'année 2025 (Friedlingstein et al. 2024) notre budget carbone restant, soit la quantité de CO2 que l’humanité peut encore émettre pour conserver une chance sur deux d'infléchir la trajectoire pour passer sous les 1,5 °C, s’élèverait à entre 160 GtCO₂eq (Gigatonnes CO2 équivalent) et 310 GtCO₂eq. Si l’on vise une probabilité raisonnable de réussir à atteindre cet objectif, ce budget tombe à 150 GtCO₂eq, soit l’équivalent de quatre années d’émissions mondiales actuelles. À ce rythme, il faudrait soit réduire les émissions d’environ 15 % par an, soit retirer massivement du carbone de l’atmosphère pour atteindre la neutralité climatique. D'où l’appel croissant à intensifier les efforts relatifs à l’élimination du carbone. Comme le souligne Johan Rockström : « Que cela nous plaise ou non, nous avons déjà brûlé une part si importante du budget carbone restant .../... que nous n’avons plus le choix : il faut intensifier massivement les retraits de carbone, transformer l’agriculture pour qu’elle devienne un puits, et accélérer de manière radicale la sortie des énergies fossiles. »

Source : Extrait du rapport de synthèse du GIEC, 2023, Trajectoires d’émissions mondiales d’après les politiques mises en œuvre et les stratégies d’atténuation

Limiter le réchauffement à 1,5 ou 2 °C implique des réductions rapides, profondes et, dans la plupart des cas, immédiates des émissions de gaz à effet de serre.

Ces techniques visant à retirer le CO2 de l'atmosphère sont regroupées sous le terme d'élimination du carbone (abrégé en CDR pour Carbone Dioxide Removal en anglais), ou émissions négatives. D'après les projections du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il faudrait éliminer entre 5 et 16 milliards de tonnes de dioxyde de carbone par an d'ici 2050 pour atteindre l'objectif de limiter le réchauffement climatique visé. Cependant, en 2023, le taux mondial d'élimination n'était que d'environ 2 GtCO2/an (Smith, S. et al. 2023). 

Source : 6ème rapport d'évaluation du GIEC, 2023

Le changement climatique n'est pas uniforme et ses caractéristiques régionales s'intensifient en relation avec le niveau de réchauffement planétaire.

Il est primordial ici de souligner que l'utilisation des technologies d'élimination ne doit en aucun cas se substituer à la nécessité pressante de réduire les émissions à la source. Comme l’énonce le World Business Council for Sustainable Development (WBSCD), il est important de ne pas uniquement se focaliser sur ces solutions, car cette dépendance excessive risquerait de freiner les efforts de décarbonation des chaînes de valeur et d'exercer une pression excessive sur les ressources naturelles et les écosystèmes. Le consensus scientifique est clair : la neutralité climatique ne sera atteinte que si les deux leviers, réduction et élimination des émissions, sont actionnés simultanément et de manière rigoureuse.