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C’est le temps qu’il nous faut pour reprendre le fil de notre pensée après avoir été interrompus par l’arrivée d’un message. Donnée non négligeable sachant que, d’après une étude de Radicati group, ce sont en moyenne 88 courriels qui atterrissent au quotidien dans la boîte d’un salarié, sans compter les multiples sms, notifications skype, tweets ou autres qui ont désormais leur place dans la sphère professionnelle... Les cadres sont particulièrement concernés et dédient en moyenne plus de 5 heures par jour à consulter leur messagerie (5,4 heures en Europe et 6,3 aux Etats-Unis selon une étude menée par Adobe). Le problème ? Cette culture de l’interruption permanente et de l’urgence factice ferait écran à un travail réellement collaboratif, inhiberait la créativité et empêcherait la mémorisation et concentration sur des sujets de fonds nécessitant une réflexion non constamment perturbée. Pour échapper au diktat des e-mails notamment, certaines entreprises mettent en place des pratiques innovantes et se dirigent vers de nouvelles cultures de collaboration.
L’infobésité en cause
L’usage intensif de contenus d’information numérique provoque de réels symptômes. Selon une étude de l’Observatoire de la RSE (ORSE), 70% des managers déclarent souffrir de surcharge informationnelle, autrement dit, d’infobésité. Ce « trop d’information » conduit à des troubles psychologiques et psychosociaux potentiellement importants. Une perte de sens, se traduisant concrètement le plus souvent par des signes de désengagement et un manque de curiosité. Des pertes de mémoire, des difficultés de prise de décisions face à des informations qui arrivent en flux et non des données fixes. Plus grave, des dysfonctions cognitives et des problèmes de santé.
Information utile vs. information futile
Ces stimuli numériques en trop haute dose nous empêcheraient-ils de penser ? Il a été objectivé que la surcharge informationnelle s’accompagnait d’une baisse de l’activité mentale. Selon le professeur Pierre-Marie Lledo, Directeur du département de neurosciences à l'Institut Pasteur et expert de la plasticité cérébrale, le cerveau produit à tout âge de nouveaux neurones, mais cette capacité à se régénérer est empêchée si l’individu est exposé au stress ou à une surabondance d’informations synonyme d’anxiété. « Nous vivons dans un écosystème numérique. Nous sommes bombardés d’informations. Il est important pour nous tous de trier l’information. Garder ce qui est utile, l’information qui me fait comprendre, et laisser l’information futile, qui nous fait juste savoir. Il faut lutter contre l’infobésité. »
Des performances intellectuelles diminuées donc. Le mythe du multi-tasking, pratique associée à l’interruption fréquente par les messages, est aussi largement battu en brèche. Une analyse de l’American Psychological Association identifie les impacts négatifs du multi-tâches ; selon le chercheur D. Meyer, ce qui n’est en réalité qu’un simple va-et-vient d’une activité à l’autre peut provoquer une perte de 40 % du temps productif d’un individu.
26 % des résidents Luxembourgeois déclarent qu’ils seraient incapables de se passer de leur téléphone pendant 48h. (38% chez les 16-24 ans)
Source : TNS Ilres
Vous reprendrez bien une petite dose de messages…
Ces sur-sollicitations numériques sont donc un obstacle à la productivité intellectuelle des individus et peuvent les conduire à un stade de fatigue et de léthargie particulièrement avancé. C’est ce que vient corroborer une étude menée par Hewlett Packard et TNS Research sur le sujet. Selon des tests cliniques effectués par Glenn Wilson, psychiatre à la célèbre université londonienne de King’s College, le QI des personnes dont le travail est fortement distrait par des messages extérieurs s’écroule de 10 points. Un résultat qui détonne, car cette chute est équivalente à une nuit blanche et même plus de deux fois supérieure à la consommation de marijuana !
Le parallèle avec les drogues ne s’arrête pas là. On parle désormais d’un réel phénomène d’addictions comportementales. En effet, si l’infobésité provoque de l’atonie chez certains, elle engendre des comportements boulimiques et d’hypervigilance chez d’autres. C’est que s’installe une anxiété d’un genre nouveau : le FOMO, Fear of Missing Out, cette crainte qu’une information importante puisse vous échapper frappe de plus en plus d’individus en contexte professionnel. Les smartphones, véritables atèles digitales, sont devenus l’arme redoutable pour assouvir cette pulsion en tout contexte. La nomophobie (contraction de « no mobile phobia ») fait logiquement son apparition. Une enquête menée au Royaume-Uni a ainsi révélé que plus de la moitié des sondés se sentaient « anxieux » quand leur portable était éteint ou quand il n’était pas près d’eux. On parle même d’un Internet Addiction Disorder (IAD) notamment traité en Asie.
L’outil numérique est ainsi à double tranchant, essentiel à nos activités, il a déferlé dans notre monde professionnel, nous offrant une agilité sans précédent ; nous en usons et abusons sans prise de recul sur ses effets. Un défi majeur se dresse devant les entreprises afin d’en faire un outil positif et non aliénant. Ainsi, les salariés sont aujourd’hui de plus en plus équipés pour recevoir leurs messages mais mal préparés à les traiter. Les moyens, certes, mais pas encore la méthode.
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