Culture

Comment produire un cinéma vert ?

La sagesse de la pieuvre, Seaspiracy, Okja, Notre planète… Depuis quelques années, les documentaires et films de fiction relatifs à la protection de l’environnement font fureur. Suspenses, émerveillements, actions au ralenti… tous les ingrédients des blockbusters sont au rendez-vous ! Ces odes à la nature sur grand écran sont-elles à l’image de leur production, soit aussi « vertes » ? Les films inspirent, influencent, et divertissent quotidiennement des millions de personnes dans le monde, mais à quel prix pour l’environnement ? Face au changement climatique, la possibilité d’un cinéma durable mérite d'être examinée. 

Des spectateurs, pris de panique, s’enfuient devant le train qui semble leur foncer dessus. Dans cette salle parisienne l’émotion est à son comble, du moins c’est ce que la légende raconte sur la projection du film « L’Arrivée en train en gare de la Ciotat » des frères Lumières.  Si cette anecdote de la fin du XIX^ème siècle est bien connue des amateurs du septième art, elle révèle déjà à l’époque l’engouement populaire pour les effets spectaculaires que pouvait provoquer le grand écran. Une appétence qui depuis n’est allée que crescendo.  

Art industriel par excellence, le média narratif du cinéma s’est converti, au fil des années et des évolutions techniques, en un art de consommation de masse.  La culture de l’écran est devenue omniprésente et c’est précisément cette massification qui pose aujourd’hui problème.

Car si le cinéma a le pouvoir de faire rêver petits et grands, il n’a pas encore celui d’être écologique. Le coût environnemental du septième art est déjà questionné depuis quelques années, mais l’arrivée du streaming a soudainement rappelé au plus grand nombre que, tout comme les autres secteurs d’activité, l’industrie cinématographique pollue et qu'elle a besoin de changer de manière systémique. Ainsi, la production d’un film avec un budget d’au moins 70 millions de dollars américains génère environ 2 840 tonnes de Co₂, soit l’équivalent de ce que peuvent absorber 3 709 hectares de forêts en un an !

Source : A Screen New Deal: a Route Map to Sustainable Film Prodction

Émissions générées lors de la production d'un film à grand budget.

Quelles transformations sont nécessaires et que doit-on entendre par « cinéma éco-responsable » ? Scénario, pré-production, tournage, montage... Il en faut des étapes pour la fabrication d’un film ! Et donc presque tout autant d’idées pour le rendre durable. Pour aider les acteurs du secteur cinématographique à s’y retrouver, le rapport A screen New deal: a RouteMap to Sustainable Film Production présente les phases à franchir pour rendre la production cinématographique plus durable. Cinq domaines essentiels à la production d’un film y sont identifiés et pour chacun d’entre eux plusieurs solutions concrètes sont envisagées. Bien entendu, les impacts sur l’environnement ne s’arrêtent pas à sa production. La diffusion et le visionnage affichent un fort bilan carbone. C’est bien l’ensemble du cycle de vie du produit qu’il faudra prendre en compte pour limiter ses externalités négatives.

Le saviez-vous ?

Une journée moyenne de tournage équivaut à plus que l'empreinte carbone annuelle d'une personne

Une heure moyenne de tournage équivaut à l'empreinte carbone d'un vol aller-retour de Londres à New York

Leviers d'actions

1. Matériels de production

Ecoconception des décors, réutilisation de matériaux, achat plus responsable des fournitures

Materials for the art (MFTA) – Ce centre de réutilisation des matériaux pour le cinéma et la télévision est basé à New York. Lorsque les productions cinématographiques et télévisuelles ont fini d'utiliser des matériaux, accessoires ou décors, elles peuvent en faire don à la MFTA, où ils sont stockés et réutilisés plutôt que jetés.

2. Énergie en eau

Consommation réduite

Vancouver Studios – Ce premier studio de cinéma et de télévision neutre en carbone au Canada utilise des lampes LED à haut rendement énergétique, recycle les ampoules et interrupteurs, a mis en place des chasses d’eau automatiques, ou encore des stations de recharge pour véhicule électriques. Il a également fait pousser un jardin partagé pour nourrir les équipes de tournage sur place...

3. Studios

Réaffectation et gestion intelligente des bâtiments

Space Studios – À Manchester, ce complexe de studios de télévision de 33 500 m², primé pour son engagement, se compose de diverses scènes, ateliers, services de restauration et bureaux gérés de façon partagée pour les petites entreprises créatives.

4. Localisation

Optimisation de la mobilité des biens et des personnes, prise en compte du cadre de travail pour davantage de bien-être du personnel

Transmetrics – 20 % des camions roulent à vide en Europe ! La plateforme d’intelligence artificielle Transmetrics utilise le big data et l'analyse prédictive pour accroître la transparence dans le secteur de la logistique. Pour les sociétés de production, ce type d’outils permet d’optimiser les besoins en transport, diminuant ainsi les coûts et l'impact environnemental.

5. Planification de la production

Outils de collaboration, planification virtuelle et infrastructure partagée

The Third Floor – Grâce à la réalité virtuelle et à la modélisation 3D de décors ou de scènes, ce studio spécialisé dans la « prévisualisation » permet aux réalisateurs et aux producteurs d'explorer leurs plans narratifs et de conception dès le début d'un projet, et d'évaluer à l’avance comment les scènes peuvent être tournées de la manière la plus efficiente.