Photo : Alexis Rosenfeld

Symboles de pérennité, les tortues sillonnent les mers depuis la nuit des temps, elles comptent parmi les rares à avoir cohabité avec les dinosaures. Pourtant aujourd’hui, beaucoup d’entre elles font face à des défis de taille pour survivre. Sur les sept espèces de tortues marines recensées, six sont catégorisées en situation « vulnérables » voire en « danger critique ». Les différentes menaces dont elles sont rapidement victimes témoignent d’un environnement à la fois terrestre et maritime qui se dégrade. Ces espèces « sentinelles » nous mettent en garde.



Le sort de ces doyennes des mers alerte sur différents types de pollutions au premier rang desquels la présence massive de déchets plastiques dans les océans. Les tortues, qui se nourrissent pour partie de méduses, prennent les sachets plastiques flottant dans l’eau pour des proies, et décèdent souvent par étouffement ou intoxication. D’après une étude américaine menée en 2021 sur la côte texane, la part de celles qui ont ingéré du plastique a doublé entre 1999 et 2019, atteignant 65.5 % d’entre elles. ll est estimé qu’au moins un millier de tortues marines meurent chaque année en raison de la pollution plastique. 

Autre sujet de préoccupation, le réchauffement climatique déséquilibre le sexe-ratio. En effet, la température du sable dans lequel les oeufs sont nichés, influe sur le sexe des futurs tortillons. Si celle-ci est plus élevée, la majorité sera femelle. L’étude des chercheurs Allen et Jenssen menée sur la population de tortues vertes de l’île de Raine en Australie a mis en exergue l’ampleur de ce problème. Aujourd’hui, les tortillons femelles sont en surnombre pour un ratio de 116 pour 1 mâle (contre un ratio de 6 à 1 actuellement chez les tortues âgées de 30-40 ans). 99% des tortues nées les vingt dernières années sont des femelles.

Enfin, la pollution lumineuse excessive des stations balnéaires dont les plages hébergent des nids de tortues est préoccupante. L’éclairage artificiel désoriente les nouveau-nés qui se servent habituellement de la lumière de la lune pour rejoindre la mer. C’est le cas notamment à Boca Raton en Floride où la désorientation touche la moitié des tortillons et des milliers d’entre eux se retrouvent écrasés sur la route ou coincés dans la végétation. Ceci est d’autant plus un problème que ce trajet vers la mer, semé de prédateurs, représente un défi important sans même qu’il soit perturbé et que de manière générale le taux des tortillons atteignant l’âge adulte est déjà très bas (à peine 1%). Cette perte de repère sonne l’alerte sur la pollution lumineuse qui, en plus de perturber les écosystèmes, engendre des effets néfastes sur la santé humaine.

Le suivi des populations de tortues marines à travers le monde est essentiel, certes parce que ces données font fonction de bioindicateurs, mais bien entendu également par souci de préservation de leurs lieux de vie. Éteindre l’éclairage public près des zones de ponte, limiter les déchets, procurer de la pénombre pour les nids sont autant de solutions à mettre en place par les politiques publiques locales... Sans oublier la lutte contre le braconnage. Nourriture, médecine traditionnelle, décoration et bijoux… d’après l’ONU, ce trafic représenterait 23 milliards de dollars par an.

Photo : Alexis Rosenfeld

DOSSIER / Mers en péril
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