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Tribune d'Inès Dauvergne

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Les stéréotypes de genre consistent à associer des compétences ou des comportements spécifiques aux femmes et aux hommes en raison de leur sexe. Nous avons pu les mesurer et les qualifier aux travers de deux programmes de recherche*. Les résultats de ces deux études sont très similaires et montrent une perception très genrée des compétences qui va avoir un certain nombre d’impacts négatifs sur la mixité des métiers et l’évolution de carrière des femmes.

Les femmes sont perçues comme intuitives, organisées, pragmatiques, douées de compétences relationnelles et en particulier d’écoute et surtout peu autoritaires. Lorsqu’elles sont cadres dirigeantes, elles deviendraient carriéristes, combatives et ne seraient plus à l’écoute. De leur côté les hommes, qu’ils soient cadres dirigeants ou pas, sont perçus comme logiques, stratèges, politiques, carriéristes, autoritaires et peu à l’écoute. Ces stéréotypes sont très proches quel que soit l’âge, le sexe ou le secteur d’activité des managers répondants. Cela indique qu’ils sont internalisés aussi bien par les hommes que par les femmes et qu’ils se construisent dès l’enfance, bien avant l’entrée dans l’entreprise.

3 types de stéréotypes

Il existe différents types de stéréotypes et la grande innovation de ces études a été de les mesurer plus spécifiquement.

Les auto-stéréotypes sont la façon dont vous percevez les personnes du groupe auquel vous appartenez : ce que les femmes pensent des femmes et ce que les hommes pensent des hommes. L’auto-stéréotype va donc impacter la confiance en soi et la capacité à se projeter dans telles ou telles fonctions ou métiers. Les auto-stéréotypes de genre vont par exemple pousser les femmes à aller vers des métiers et ou des secteurs qui mettent en avant les compétences relationnelles et l’organisation comme les fonctions supports ou les métiers du « care ». Les hommes s’orienteront plus facilement vers les métiers techniques et les fonctions à responsabilités. La perception assez négative des femmes dirigeantes du fait qu’elles seraient très différentes des autres femmes (plus dures, carriéristes et peu à l’écoute) va alimenter la difficulté d’un certain nombre de femmes à se projeter dans des postes à fortes responsabilités. Ces femmes dirigeantes ne représentant pas des rôles modèles pour elles mais des rôles « repoussoirs ».

Les hétéro-stéréotypes sont la façon dont vous percevez les autres : ce que les femmes pensent des hommes et inversement. Ils vont avoir un impact sur les relations entre les sexes et la discrimination. On sait par exemple que par un biais d’attention sélective, notre cerveau retient mieux toutes les informations qui confirment ses stéréotypes. À comportement strictement équivalent nous avons donc plus de facilité à identifier du leadership chez un homme et de l’écoute chez une femme. Les hétéro-stéréotypes vont également générer des attentes sociales fortes à l’égard des hommes et des femmes et les enfermer dans des rôles dans lesquels ils ne se reconnaissent pas forcément. Une femme très affirmée sera jugée comme dure et castratrice et un homme sensible et à l’écoute comme un faible manquant de leadership. 

Les méta-stéréotypes sont les projections que nous faisons sur ce que les autres pensent de nous : ce que les femmes pensent que les hommes disent d’elles et inversement. Nous avons pu mesurer que les femmes ont tendance à sous-estimer la vision que les hommes ont d’elles et que les hommes, à l’inverse sur-estiment la vision féminine à leur égard. Ces méta-stéréotypes négatifs des femmes expliquent en partie les phénomènes d’autocensure féminins. Une femme, convaincue que son manager masculin a une piètre image d’elle, aura du mal à demander une promotion ou une augmentation et encore plus quand ses propres stéréotypes la font douter de sa légitimité à prendre un poste à responsabilité. Cela explique pourquoi on entend souvent dire qu’une femme attendra d’avoir 150% des compétences pour briguer un poste quand un homme ira à 70%.

« Les stéréotypes ne sont jamais aussi puissants que quand ils sont inconscients »

Limiter leurs impacts ?

Toutes les théories en psychologie sociale indiquent qu’il n’est pas possible de faire disparaître les stéréotypes.

Par contre on peut limiter leurs impacts négatifs. Plusieurs leviers ont été identifiés par les programmes de recherche sur les stéréotypes. La formation et la sensibilisation aux stéréotypes est l’un des premiers moyens. Les stéréotypes ne sont jamais aussi puissants que quand ils sont inconscients. L’engagement de l’entreprise et la communication sur les sujets de nondiscrimination et de Diversité est également un levier puissant. Créer un cadre ouvert à la différence limite les stéréotypes des managers.

Lutter contre les inégalités de traitement et l’insatisfaction au travail permet également d’abaisser les stéréotypes qui ont une fonction exutoire. Cela signifie que plus les salariés ont le sentiment d’être discriminés ou insatisfaits et plus ils vont avoir des stéréotypes négatifs sur les autres groupes. En outre, lorsqu’un groupe est perçu comme très discriminé cela alimente les stéréotypes négatifs à son égard par le biais de processus de rationalisation.

Enfin, les process et les outils qui permettent d’objectiver le recrutement et l’évolution de carrière fonctionnent également pour éviter que nos stéréotypes et biais inconscients ne parasitent trop les décisions. Il n’y a donc pas une mesure miracle pour lutter contre les stéréotypes mais un ensemble d’actions qui doit être cohérent et mené sur le long terme.

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* Programmes de recherche menés avec l'organisation française IMS entreprendre pour la cité en 2012 (1200 managers interrogés en France dans 9 entreprises) et 2017 avec la fondation WIF (2400 managers de grands groupes en France, Allemagne et Italie).

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Inès Dauvergne
Spécialiste et chroniqueuse Diversité, elle accompagne pouvoirs publics et entreprises sur les sujets de mixité, de prévention des discriminations et d’inclusion. Elle est également co-fondatrice de l’application #MeandYouToo qui est un outil d’autodiagnostic sur le sexisme et les stéréotypes de genre.