Saviez-vous qu’au Luxembourg les loups et les lynx font partie des espèces protégées ? À travers ses forêts couvrant plus d’un tiers du territoire, ses arbres remarquables, ses orchidées surprenantes, ses cours d’eaux et ses vastes étendues vertes, le pays abrite une biodiversité insoupçonnée. Au fil des années, la fabuleuse richesse recensée dans le pays a cependant été fragilisée. Avec deux tiers des milieux naturels dans un état de conservation « médiocre » voire « insuffisant » et 80 % des espèces dans un « état précaire », la faune et la flore locales sont aujourd’hui grandement menacées. Face à ce constat, quelles sont les actions menées au Grand-Duché ?
Prendre le pouls de la biodiversité
Au Grand-Duché, nombreux sont les acteurs qui participent à la collecte de données sur la biodiversité. Scientifiques, spécialistes, naturalistes, agents de conservation, et même citoyens, observent jour après jour le vivant pour recenser le patrimoine naturel luxembourgeois. Ces informations permettent d’assurer le suivi des écosystèmes et de les comprendre. Quelles espèces sont en déclin ou en regain de population ? Comment s’adaptent-elles aux perturbations environnementales induites, entre autres par l’agriculture intensive, l’urbanisation et le changement climatique ? Quels mystères ont-elles encore à nous faire découvrir ? Dans un article paru sur « science.lu », Xavier Mestdagh, ingénieur au LIST, explique par exemple que l’observation d’une larve de papillon de nuit (la fausse teigne de la cire) a permis de réaliser que ce parasite se nourrissant de cire d’abeilles était capable de décomposer le polyéthylène qui constitue la matière plastique la plus commune.
Toutes les informations relatives à la biodiversité sont consolidées par le Musée National d’Histoire Naturelle du Luxembourg. Le résultat : une base comptabilisant plus de deux millions de données d’observation et quelques 142 000 spécimens référencés ! Le musée partage ces informations à l’échelle nationale et internationale pour contribuer aux efforts de sauvegarde du vivant, mettre à jour la liste rouge des espèces menacées de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) et adapter les statuts légaux afin d’assurer leur protection.
Renforcer la relation entre l’Homme et la nature
|
Avez-vous entendu parler du programme « Man and the Biosphere » (MAB) de l’UNESCO ? Depuis 50 ans, cette initiative rassemble et connecte des réserves de biosphère à travers le globe pour construire une relation plus équilibrée entre l’Homme et la nature. Sciences naturelles et sociales s’y mêlent pour développer des approches novatrices réconciliant développements économique, social, culturel et environnemental. Aujourd’hui, ce réseau compte 714 sites dans 129 pays partageant leurs expériences et savoir-faire. En 2020, le Luxembourg a rejoint ce mouvement grâce à la région de la Minette reconnue comme première réserve de biosphère sur le territoire.
|
De nombreuses actions sont menées sur les sites du « Minett Unesco Biosphere » et ses alentours. Pro-Sud et son large éventail de partenaires agissent ensemble pour la conservation de la biodiversité et un développement durable basés sur l’éducation, la recherche et la participation active des différents acteurs du territoire. Parmi les activités proposées : un parcours de la réserve autour de onze gîtes et agrémenté d’une exposition itinérante, diverses actions autour des produits du terroir, l’établissement d’un centre national de la culture industrielle, un programme scolaire sur les sciences, la technologie et le développement durable. Bref, des initiatives inspirantes annonciatrices de perspectives positives pour l’évolution de la réserve de biosphère.
Natur&ëmwelt, mène également de nombreux projets à travers le pays. L’organisation et sa fondation s’adressent à tous les acteurs de la société pour promouvoir et protéger la biodiversité et ses écosystèmes. Avec « Biodiversity@ youroffice » par exemple, Natur&ëmwelt aide les entreprises à mettre en œuvre des actions concrètes pour soutenir la biodiversité locale. L’initiative « 2000 m2 » permet quant à elle de refléter concrètement la surface disponible pour la consommation annuelle d’un habitant du Luxembourg et de mettre en avant les possibilités et les avantages d’une alimentation locale autour de la Grande Région. Aussi, l’organisation du « En Dag an der Natur » rapproche les citoyens de la diversité biologique en leur offrant plus de 370 activités en plein air.
Ce champ d’actions grandissant permet aux individus, aux entreprises et aux pouvoirs publics d’agir chacun à leur échelle pour sauvegarder le fascinant patrimoine naturel du Luxembourg, des libellules et papillons colorés aux loutres et castors, en passant par une diversité incroyable d’oiseaux, d’insectes, d’amphibiens, de poissons, de crustacés et de reptiles
.
Le loup, une espèce protégée au Grand-Duché.
Adopter des mesures fortes
Le Luxembourg compte parmi les États enclins à introduire des mesures mondiales fortes en matière de biodiversité, notamment avec la volonté de créer un réseau de zones protégées juridiquement contraignant d'au moins 30 % de la superficie terrestre et marine. En termes de protection et de sauvegarde des espèces, le Grand-Duché plaide également pour une transition vers des pratiques dites « réellement durables ». Cela passe, selon les positions luxembourgeoises, par une refonte de la politique agricole commune avec une diminution radicale d’au moins 50 % de l’utilisation des pesticides chimiques et la promotion de l’agriculture biologique et l’agroécologie.
Sur le territoire, c’est le deuxième Plan National concernant la Protection de la Nature (PNPN2) qui régit les mesures mises en œuvre pour la sauvegarde et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes pour la période de 2017 à 2021. Ce cadre, révisé tous les cinq ans, englobe, entre autres, les plans d’actions pour les espèces et les habitats, la défragmentation des paysages ou encore les zones de protection et leur gestion. Concrètement, ces objectifs se traduisent, par exemple, par le rétablissement d’au moins 15 % des écosystèmes dégradés, l’extension des mesures de conservation de la biodiversité à un minimum de 10 % des zones cultivées, la mise en conformité de toutes les forêts publiques et domaines forestiers privés dépassant 10 ha avec les principes de gestion durable, ou encore la création de compensation écologique pour les constructions ou aménagements privés et publics.
Le projet « 2000 m2 » a pour objectif de sensibiliser les individus aux terres arables disponibles par habitant au Luxembourg. Ce champ, cultivé de manière biologique, veut inciter la population à réfléchir à ses choix de consommation en démontrant qu’une agriculture locale et durable est possible en changeant ses habitudes.
Les prochains mois verront donc l’évaluation des succès et des points faibles de ce plan national arrivant à échéance et la détermination des nouvelles ambitions du pays en la matière pour les cinq années à venir. Cette feuille de route nationale sera observée de près, ainsi que la détermination du Luxembourg à peser sur les prises de décisions attendues aussi bien au niveau européen qu’international sur la biodiversité. Le pays, déterminé à s’inscrire parmi les leaders du développement durable et de l’économie circulaire, est attendu au tournant par les différentes parties prenantes pour une prise de position et des mesures concrètes fortes en faveur de la nature. Affaire à suivre.
Les citoyens naturalistes
L’application « iNaturalist » permet à chacun de participer à l’observation de plantes et d’animaux sauvages partout dans le monde. Au Luxembourg, une vingtaine d’espèces en déclin ont pu être observées grâce à cet outil de sciences citoyennes. Chaque année, a lieu le « City Nature Challenge », un évènement lors duquel les villes cherchent à récolter le maximum de données grâce à cette plateforme. En 2021, le challenge a rassemblé plus 40 000 participants issus de 350 villes dont 423 participants pour la ville de Luxembourg. Environ 32 000 espèces ont été recensées dont un peu plus de 1300 espèces rares ou menacées d’extinction.
À lire aussi dans le dossier « Le vivant en chute libre : la fin du déni ? » :